
Libreville, le 4 avril 2025 – (Dépêches 241). Le Show du Pays, concert emblématique du groupe Movaizhaleine, fête ses 20 ans cette année, et l’événement, prévu pour le 5 avril à la Baie des Rois, attire déjà une attention particulière. En cette période de campagne présidentielle, où le Gabon s’apprête à choisir son futur dirigeant, cette édition du concert est bien plus qu’un simple événement musical. Bien que présenté comme une plateforme d’expression libre pour la jeunesse gabonaise, l’on peut se demander s’il ne s’agit pas en réalité d’une mise en scène à la gloire du pouvoir en place, surtout que l’un des leaders de ce groupe Lord Ekomy Ndong, s’est depuis le début de la transition, rapproché du pouvoir en place.
Depuis sa création, le Show du Pays s’est voulu un espace de liberté d’expression, où les artistes gabonais, notamment ceux du groupe Movaizhaleine, pouvaient dénoncer les injustices sociales et politiques. Cependant, cette édition, en pleine campagne présidentielle, semble quelque peu détournée de sa vocation initiale. L’invitation des candidats à l’élection présidentielle, singulièrement ceux du pouvoir actuel, pourrait être interprétée comme une tentative de récupération politique. Bien que le groupe se revendique toujours proche des préoccupations populaires, il n’en demeure pas moins qu’offrir une tribune à des figures politiques déjà en place ou en campagne risque de transformer ce concert en un événement pendant lequel les acteurs du pouvoir, et particulièrement le Président de la transition, se retrouvent sous les feux des projecteurs, dans une démonstration de force et de soutien populaire.
Dans un contexte où le président actuel, surnommé « le Bâtisseur », bat campagne avec des similitudes proches de président déchu, accompagné du reste par plusieurs artistes locaux greffés à une prolifération de multiples des projets d’envergure à travers le pays, il est difficile de ne pas voir dans cette édition du « Show du Pays », un show du président plutôt qu’un espace de libre expression. Le Bâtisseur, avec ses récents succès en matière de construction d’infrastructures, a su s’attirer une certaine popularité auprès de certaines franges de la population. Ce concert, censé être un moment de communion nationale, pourrait bien devenir un terrain de validation de son bilan, une manière de renforcer son image à l’approche des élections. Au lieu d’être un événement contestataire, il risque d’être perçu comme un simple spectacle de soutien à celui qui incarne le pouvoir en place.
Le groupe Movaizhaleine, reconnu pour ses critiques acerbes envers le système, la mauvaise gouvernance, l’absence d’Etat de droit, pourrait donc se voir pris dans un paradoxe : inviter des candidats à la présidentielle, notamment ceux issus du système qu’ils ont toujours critiqué, peut être perçu comme une légitimation de ce même système. Si le concert se veut une plateforme d’expression populaire, il pourrait aussi devenir un outil de propagande, à travers lequel la jeunesse gabonaise, qui cherche à exprimer ses frustrations, risque de se retrouver réduite à un simple public passif d’ une campagne au sein de laquelle le pouvoir tente de reprendre la main.
Le Show du Pays 2025 pourrait perdre de son authenticité, risquant de devenir un spectacle politique à la gloire d’un président en campagne, plutôt qu’un véritable moment de dialogue entre la jeunesse gabonaise et ses dirigeants. Le 5 avril, la Baie des Rois pourrait ainsi se transformer en une scène symbole de la réaffirmation du pouvoir actuel, tout en donnant l’illusion d’une prise en compte des préoccupations du peuple, un « Show du prési » sous le masque du « Show du pays ».