Gabon: hausse des prix, inflation, les risques d’un déversement massif de fonds dans l’économie gabonaise 

Le versement massif de fonds dans l’économie nationale pourrait avoir des conséquences considérables © DR

Libreville, le 13 avril 2025 – (Dépêches 241). Le paiement des rappels de solde aux agents publics gabonais, qui a commencé le 7 avril 2025, représente un événement marquant dans le paysage économique du pays. En effet, ce versement massif de fonds dans l’économie nationale pourrait avoir des conséquences considérables. Si la mesure est accueillie favorablement par les agents publics, elle soulève néanmoins des questions concernant l’impact à long terme sur la stabilité économique du Gabon, déjà fragile. Une des situations que devrait régler le nouveau président fraîchement élu. 

L’un des principaux risques associés à un déversement soudain de liquidités dans l’économie est l’inflation. En injectant 63,7 milliards de FCFA dans le système économique en une seule fois, une pression importante pourrait être exercée sur les prix des biens et services, particulièrement ceux de consommation courante. Ce phénomène, souvent observé dans des économies où l’offre ne suit pas l’augmentation rapide de la demande, pourrait entraîner une hausse généralisée des prix. Les agents publics qui reçoivent ces rappels vont être incités à consommer davantage, augmentant ainsi la demande sur le marché, alors que l’offre, déjà limitée dans certains secteurs au Gabon, ne pourrait pas répondre adéquatement à cette demande soudaine.

Le gouvernement gabonais a financé ce paiement en grande partie grâce à des ressources déjà contraintes, ce qui soulève des préoccupations sur la gestion budgétaire. Le paiement de ces rappels, bien qu’il réponde à un besoin immédiat des fonctionnaires, pourrait aggraver la pression sur les finances publiques, particulièrement si ces fonds ne sont pas accompagnés de réformes structurelles permettant de maintenir un équilibre budgétaire durable. En l’absence de recettes publiques nouvelles ou de réformes fiscales, cette mesure pourrait entraîner un creusement du déficit budgétaire, augmentant ainsi la dépendance du Gabon vis-à-vis de l’endettement.

Un déséquilibre dans la gestion budgétaire et financement de l’État

Dans un contexte économique aussi complexe, l’injection de fonds dans un secteur particulier, sans un plan d’investissement clair, peut détourner l’attention des réformes nécessaires pour soutenir une croissance économique durable. Par exemple, la Banque Africaine de Développement (BAD) a récemment souligné l’urgence de diversifier l’économie gabonaise, aujourd’hui largement dépendante des revenus pétroliers. Cependant, en concentrant une part significative des ressources sur le paiement des rappels de solde, le gouvernement prend le risque de négliger des investissements clés dans des secteurs porteurs comme l’agriculture, les infrastructures, ou la transition énergétique, qui sont essentiels pour assurer la résilience économique à long terme.

Un autre risque important est la création d’attentes irréalistes parmi les fonctionnaires et la population en général. L’exécutif, en répondant par une mesure à court terme, pourrait renforcer une dynamique de dépendance vis-à-vis de décisions populistes, au détriment d’une approche plus structurée et durable de la gestion publique. Les fonctionnaires, ayant vu leurs demandes satisfaites, pourraient s’attendre à ce type de paiement ponctuel régulièrement, ce qui pourrait rendre difficile toute tentative de rationalisation des dépenses publiques à l’avenir.

Exacerbation des inégalités sociales

Enfin, une distribution massive de fonds sans mesures d’accompagnement pourrait exacerber les inégalités sociales au Gabon. Si la majorité des fonctionnaires reçoivent ces paiements, une partie de la population qui ne bénéficie pas directement de cette mesure risque de se sentir comme des laissés pour compte, notamment les travailleurs du secteur privé ou les citoyens déjà dans une situation de vulnérabilité économique. Une gestion plus équilibrée des fonds publics et des priorités nationales pourrait éviter de telles distorsions sociales.

Partant de ces constats, le paiement massif des rappels de solde, s’il répond à une légitime attente des agents publics gabonais, représente un pari risqué pour l’économie du pays. Dans un environnement économique fragile, caractérisé par une dépendance excessive aux revenus pétroliers et un déficit de diversification, une telle mesure sans contreparties structurantes pourrait s’avérer contre-productive. Au lieu de privilégier des solutions à court terme qui semblent rassurer immédiatement, le Gabon aurait intérêt à réfléchir à des stratégies plus durables, qui visent à renforcer les bases de son économie et à promouvoir une gestion rigoureuse et prévoyante des finances publiques. 

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