
Libreville, le 18 avril 2025 – (Dépêches 241). Le gouvernement de transition n’a cessé de vanter sa volonté de restaurer la souveraineté économique du pays. Pourtant, dans les faits, il multiplie les décisions qui contredisent cette ambition. Dernière illustration en date : deux contrats colossaux ont été attribués à des entreprises burkinabè. Sacba – TP a décroché le marché de la route Makokou-Okondja (260 km), tandis que Ebomaf, déjà omniprésente dans les marchés publics africains, s’est vue confier l’axe Lébamba-Mbigou-Malinga-Molo (208 km). Montant cumulé : plusieurs centaines de milliards de FCFA.
Cette politique contractuelle, loin de favoriser l’émergence d’un secteur privé national robuste, consacre le règne des multinationales étrangères dans les grands chantiers publics. Ebomaf, qui construit aussi l’aéroport d’Andem, confirme son emprise sur les infrastructures stratégiques du Gabon. Quant à Sacba-TP, peu connue jusque-là au niveau local, elle fait une entrée fracassante sur la scène nationale. Pendant ce temps, les entreprises gabonaises sont reléguées aux travaux de second œuvre ou exclues des appels d’offres pour « manque de capacité technique », un refrain bien pratique pour justifier leur mise à l’écart quand on sait que des entreprises comme la Société Gabonaise des Travaux Publics (SGTP) reste outillée en la matière.
Derrière cette stratégie se cache une vérité que les autorités actuelles peinent à assumer : le tissu économique local est désarmé, désorganisé et incapable de rivaliser, faute de soutien réel. Le pouvoir préfère importer le savoir-faire que de l’organiser sur place. Cela trahit l’absence d’une politique industrielle digne de ce nom. Il est incohérent de parler de « reconquête économique » tout en externalisant les projets d’envergure. Une souveraineté sans souverains économiques locaux n’est qu’une illusion.
Si l’on admet que certaines compétences peuvent manquer localement, encore faudrait-il mettre en place une stratégie de montée en gamme : accompagnement technique, accès aux financements, quota de sous-traitance locale obligatoire, renforcement de l’ingénierie nationale. Or, rien de tout cela n’est visible dans les contrats signés. Le schéma est toujours le même : les entreprises étrangères arrivent, empochent, exécutent, repartent. Le pays, lui, reste dépendant.
En cédant autant de leviers à des groupes comme Ebomaf et Sacba-TP, le nouveau régime trahit une promesse majeure de la transition. À trop vouloir déléguer, il affaiblit davantage une économie déjà sous perfusion. Et avec chaque milliard transféré à l’extérieur, le rêve d’une souveraineté économique gabonaise s’éloigne un peu plus, transformé en simple slogan pour discours solennels. Gageons que désormais élu, le nouveau président de la République rompt avec ces pratiques et oeuvre vraiment à matérialiser sa promesse qui est celle de la réappropriation de l’Économie locale par des Gabonais.