
Libreville, le 16 avril 2025 – (Dépêches 241). Lors de son passage dans l’émission « 1 candidat, 1 projet », le Président de la Transition, Oligui Nguema, a suscité une vive inquiétude en incitant les magistrats actuellement en grève à « faire rentrer de l’argent comme au CEDOC ». Cette déclaration, loin d’être anodine, semble être un appel implicite à une gestion dévoyée des fonds publics et pourrait être interprétée comme une incitation à la corruption au sein de l’appareil judiciaire.
La référence à la gestion financière du CEDOC, (Centre de Documentation et d’Immigration), devenu la DGDI, est particulièrement préoccupante, compte tenu des révélations faites par la Cour des Comptes sur les irrégularités dans cette Institution. En effet, le CEDOC était un exemple frappant de mauvaise gestion et de détournements de fonds publics, avec des recettes détournées vers un compte privé au lieu de revenir directement à l’État. Cette gestion opaque et irresponsable, qui a abouti à un montant détourné de 51 milliards de FCFA entre 2005 et 2018 selon la Cour des Comptes, ne peut en aucun cas servir de modèle pour une institution censée incarner la justice et l’équité.
Lorsque le Président de la Transition suggère que les magistrats « fassent rentrer de l’argent comme au CEDOC », il fait allusion à un système qui repose sur l’opacité et les pratiques douteuses. Une telle remarque ne peut qu’entretenir un climat propice à la corruption, où les fonctionnaires de l’État, notamment les magistrats, sont incités à privilégier leurs intérêts personnels au détriment des principes d’intégrité et de justice.
La grève des magistrats, déclenchée par des revendications légitimes, ne doit pas être perçue comme une occasion de justifier des pratiques corrompues. Or, c’est exactement ce que semble faire le Président de la Transition en encourageant une telle comparaison. Plutôt que de chercher à apaiser la crise sociale et à résoudre les problèmes de rémunération et de conditions de travail des magistrats, Oligui Nguema semble vouloir légitimer des pratiques répréhensibles en incitant indirectement les juges à adopter des comportements mercantilistes et donc contraires à l’éthique.
Il est donc impératif que l’État gabonais, en particulier sous cette nouvelle gouvernance, prenne conscience de l’importance de restaurer la confiance dans ses institutions, notamment la justice. Les magistrats, en tant que garants de la loi et de l’équité, doivent être exempts de toute pression ou influence visant à corrompre leur mission. Encourager des pratiques douteuses, même de manière implicite, ne fait qu’enfoncer le pays dans une spirale de dégradation morale et de méfiance envers ses institutions publiques.
Cette déclaration soulève en définitive un problème grave : la fragilité de la gouvernance actuelle du pays face à la tentation de maintenir un système où l’argent, et non la justice, est roi. Oligui Nguema, en tant que Chef de l’État, a une responsabilité primordiale dans la mise en place d’une gouvernance transparente et éthique, loin des dérives qui ont terni l’image de l’administration publique gabonaise par le passé. L’incitation à « faire rentrer de l’argent comme au CEDOC » ne peut que renforcer la perception que l’impunité et la corruption sont toujours omniprésentes au sein de l’administration, et cela constitue un appel inquiétant à la corruption qui mérite d’être fermement dénoncé.