Gabon: en perdant Mbanié, l’Etat ruine 25000 milliards de FCFA en valeur brute, soit près de 9 années de son budget 

En perdant Mbanié, le Gabon laisse échapper un gisement évalué à 743 millions de barils équivalents pétrole ©MontageDépêches 241

Libreville, le 20 Mai 2025 – (Dépêches 241). La perte de l’île Mbanié au profit de la Guinée équatoriale dépasse largement la symbolique territoriale : elle constitue un revers stratégique majeur dans un contexte budgétaire déjà tendu. Alors que les autorités gabonaises avaient fondé une partie de leur discours énergétique sur le renforcement de la souveraineté nationale, la décision rendue par la Cour internationale de justice prive le pays d’un gisement évalué à 743 millions de barils équivalents pétrole. Ce chiffre, régulièrement cité par les acteurs du secteur, aurait pu représenter une manne estimée à plus de 25000 milliards de FCFA en valeur brute, soit près de 9 années de budget de l’État au rythme actuel.

Ce choc intervient au moment même où le Gabon tente de réajuster ses ambitions budgétaires. La stratégie 2025 s’appuie sur un prix du baril moyen de 70,4 dollars, mais les cours réels stagnent sous les 65 dollars, et parfois plus proches des 60 dollars sur les marchés. Ce décalage compromet la soutenabilité de la trajectoire budgétaire définie pour 2025-2027, où les recettes doivent représenter 21,3% du PIB, avec une part encore dominante des revenus pétroliers malgré les efforts de diversification.

La perte d’un gisement, un silence gênant

Dans ce contexte, la perte de Mbanié vient accentuer un peu plus le rétrécissement du potentiel fiscal futur. D’autant que cette île aurait offert un avantage logistique en matière d’exploration offshore, dans une zone plus accessible que d’autres blocs ultra-profonds moins attractifs. La Guinée équatoriale, déjà en négociation avancée avec des compagnies telles que Kosmos Energy et Trident, pourrait désormais capter les investissements que Libreville peine à attirer, comme en témoigne le faible taux de mobilisation des emprunts extérieurs constaté en 2024 (9,9%).

Des prévisions budgétaires sous pression 

Ce revers juridique et économique n’a donné lieu à aucun commentaire officiel de la Présidence gabonaise, ni sur les implications budgétaires ni sur les perspectives énergétiques. Un silence assourdissant, alors même que le Gabon s’apprête à émettre un Eurobond de 370 milliards de FCFA en 2025 et prévoit de s’endetter à hauteur de 902 milliards cette même année. En matière de communication politique, l’évitement de ce sujet sensible contraste avec les slogans de souveraineté brandis lors des précédentes opérations de rachat d’actifs pétroliers.

À l’heure où l’État promet de réduire le train de vie public et d’améliorer la gouvernance des ressources, l’affaire Mbanié pose une question dérangeante : comment assurer une trajectoire budgétaire viable sans maîtrise de l’ensemble du patrimoine énergétique ? Cette absence d’anticipation stratégique dans le dossier Mbanié révèle les limites d’une politique énergétique encore trop réactive, et appelle à une réforme profonde de la diplomatie économique gabonaise. 

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