Leçon de légalité immobilière: Brice Clotaire Oligui Nguema, prophète en sa patrie… et ailleurs ? 

Une des propriétés que Brice Clotaire Oligui Ngueme aurait acheté à 447 000 $ en espèces à Silver Spring, en 2018. © OCCRP, ©MontageDépêches 241

Libreville, le 4 Juin 2025 – (Dépêches 241). Dans la grande fresque des promoteurs de la légalité, certains préfèrent la pierre à la parole. Brice Clotaire Oligui Nguema, Président gabonais, apôtre de la rupture et du renouveau, s’est récemment illustré par une passion immodérée pour la brique américaine – réglée, il va sans dire, en liquide, comme le veut la tradition des grands bâtisseurs… ou des discrets investisseurs.

Nommé patron de la Garde républicaine en 2020, Oligui Nguema n’a pas attendu d’être Président pour investir dans l’avenir. Dès 2015, il acquiert sa première maison aux États-Unis, puis deux autres, toutes payées comptant, sans hypothèque, pour un total dépassant le million de dollars, soit plus de 550 millions de francs CFA. À Silver Spring, dans le Maryland, il s’offre une demeure à 447 000 dollars, bien loin des Palais de ses cousins Bongo, mais assez proche des standards de la discrétion américaine. 

Un Chef d’État, trois maisons et un million de dollars en espèces ? la morale en action

Interrogé sur la provenance de ces fonds et la motivation de ces achats, le Chef de l’État invoque le respect de la vie privée. « Une vie privée est une vie privée qui [devrait être] respectée », avait-il lâché à nos confrères sur Gabon Review en 2020. Après tout, n’est-ce pas là le premier droit de tout citoyen, même Président ?

Le promoteur de la légalité, version duplex

Ironie du sort, le même Brice Clotaire Oligui Nguema s’est érigé en champion de la bonne gouvernance et de la gestion rigoureuse des deniers publics. Il fustige l’État gabonais, locataire de ses propres ministères, dénonçant à la télévision le scandale de 30 milliards de francs CFA engloutis chaque année en loyers. « Nous sommes locataires dans notre propre pays, et ce n’est pas normal », tonne-t-il, promettant des immeubles flambant neufs, dignes de Dubaï avec des « baies vitrées », pour abriter l’administration gabonaise. Mais pendant que le Gabon attend ses tours de verre, le Président, lui, s’assure un pied-à-terre confortable outre-Atlantique. Visionnaire, il applique à titre personnel ce qu’il conseille à l’État : « Investir dans la pierre, c’est investir dans l’avenir ! »

La Cinquième République, mais la première à Silver Spring

Sous la bannière d’une nouvelle Constitution, Oligui Nguema promet un Gabon renouvelé, fondé sur la justice, l’intégrité et la transparence. Il exhorte ses compatriotes à tourner la page de la corruption et de la cupidité, à bâtir une société exemplaire, où « chaque homme chargé de faire vivre la Constitution agit avec justice et souci de l’intérêt national »

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Mais la morale, comme l’immobilier, a ses zones franches. Au pays du rêve américain, la légalité se conjugue à la discrétion, et le promoteur de la vertu nationale devient, à l’étranger, un simple amateur de belles maisons. Un Chef de l’État qui prêche la fin des mauvaises pratiques, tout en s’offrant le luxe de la confidentialité patrimoniale : voilà une synthèse parfaite de la modernité politique.

Conclusion : faites ce que je dis, et… inspirez-vous de ce que je fais ?

Au Gabon, la rupture avec le passé se construit à coups de discours et de projets immobiliers. Mais la vraie leçon, c’est peut-être celle-ci : la légalité, c’est comme une maison, elle doit d’abord être bien fondée… et idéalement, avoir plusieurs adresses. Car, après tout, qui mieux qu’un Chef de l’État promoteur de la légalité pour montrer que la vertu commence toujours par un bon investissement – surtout quand il est payé cash ? « Regardez ce que nous avons fait en 19 mois… et imaginez ce que je peux faire en 7 ans ». Au Gabon, on imagine déjà. Aux États-Unis, on constate. 

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