SEEG: Karpowership, Suez, Aggreko, quand l’Etat navigue entre prestataires sans vision à long terme

La gestion de la SEEG à travers ses récents prestataires fait prospérer l’idée d’une navigation à vue pour une quête énergétique visiblement en sursis ©MontageDépêches 241

Libreville, le 12 Juin 2025 – (Dépêches 241). En mai 2024, l’État gabonais, via la SEEG, a signé un ambitieux contrat de cinq ans avec la société turque Karpowership, pour déployer deux centrales flottantes fournissant 150 MW, avec un tarif mensuel initial estimé à 12–15 milliards FCFA par mois, soit 180 milliards FCFA par an, payable sur 20 ans. Présentées comme une réponse urgente aux délestages à Libreville, ces unités, alimentées au fioul lourd, risquent de coûter bien plus en carburant, sans aucune infrastructure locale pour la diversification énergétique.

Début 2025, une enquête de la CNLCEI a mis en lumière des clauses jugées « pièges financiers » : la SEEG devait acheter l’électricité à 123 FCFA/kWh, plus du double du tarif précédent (55 FCFA). De plus, une clause autoriserait Karpowership à prendre le contrôle de la SEEG en cas de retard de paiement. Ces éléments confirment l’absence de redevabilité et mettent en péril la souveraineté énergétique nationale, puisque la moitié d’une compagnie publique pourrait être contrôlée par un acteur étranger.

Face à une crise de confiance, le gouvernement a suspendu le projet en novembre 2024 pour enquêter sur des « nombreuses inadéquations » révélées par la DGE. En février 2025, un nouveau protocole a réduit l’engagement de la SEEG à 1,8 milliard FCFA par mois pour 70 MW, hors coût carburant, mais jamais clarifié, laissant peser une nouvelle incertitude sur les charges à long terme. En parallèle, SEEG a dû rester contrainte de travailler avec Aggreko, fournisseur historique (d’environ 105 MW), à qui il était déjà dû près de 2 milliards FCFA. 

Cette situation traduit un manque de planification énergétique structurée : plutôt que de stabiliser un marché, l’État navigue entre prestataires sans vision à long terme, augmentant ainsi la précarité et le coût du service pour les populations. Plus récemment, c’est le français Suez qui s’est joint à la mêlée avec un contrat de 130 milliards de FCFA pour améliorer l’adduction d’eau dans le pays. Une situation qui confirme la prise en tenaille de la SEEG entre sa nécessité d’investissements dans son propre outil productif estimée à plusieurs centaines de milliards de FCFA et la nécessité de répondre aux enjeux politiques du sommet de l’État. 

L’analyse est donc accablante : sans plan directeur, ni diversification, ni transparence, le Gabon s’enfonce dans un modèle énergétique dépendant et coûteux. Le recours à Karpowership, la situation financière de la SEEG, l’opacité des contrats et la gestion improvisée révèlent un DÉFI : l’État se prive des outils pour garantir son autonomie énergétique. La souveraineté proclamée ne tient pas face à la réalité des engagements financiers et stratégiques pris en catimini, au péril de l’intérêt public.

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