Musical Chairs à la gabonaise: quand les logements des victimes des bassins versants de 2017 pourraient être rétrocédés aux déguerpis de 2025

Les victimes des délogements consécutifs au projet des bassins versants vont-ils dire au revoir à leurs habitations aux profit des nouveaux déguerpis ? ©DR

Libreville, le 30 Juin 2025 – (Dépêches 241). Dans un exercice de prestidigitation immobilière qui ferait pâlir d’envie les plus grands illusionnistes, le gouvernement gabonais vient de réussir l’exploit de faire disparaître des familles de leurs maisons pour les faire réapparaître… nulle part. 

L’art de la pirouette architecturale atteint des sommets inégalés à Bikélé-Nzong, où 1070 logements destinés aux victimes des bassins versants de 2017 viennent d’être généreusement redistribués aux nouveaux sinistrés de 2025. Un recyclage écologique avant l’heure, pourrait-on dire, si ce n’était pas si tragiquement cocasse.

Le jeu de chaises musicales version BTP

Imaginez la scène : vous attendez patiemment votre logement depuis huit ans, vous avez été recensé, indemnisé, vous avez même peut-être déjà choisi la couleur de vos rideaux. Soudain, surprise ! Votre futur chez-vous vient d’être attribué à quelqu’un d’autre. « Désolé, changement de programme » , semble dire l’État, « mais rassurez-vous, nous réfléchissons à une solution pour vous aussi ». Cette gymnastique administrative rappelle étrangement ces films d’action où le héros saute d’un building en construction vers un autre, sauf qu’ici, nos concitoyens sautent dans le vide.

L’ANPN, le trouble-fête involontaire

Pendant cinq longues années, l’Agence Nationale des Parcs Nationaux a joué les empêcheurs de construire en rond, estimant que le projet empiétait sur la zone tampon du parc d’Akanda. Cinq ans ! Le temps de voir grandir un enfant, de terminer des études supérieures, ou dans le cas présent, de laisser des familles dans l’incertitude totale.

Quand on pense que les éléphants d’Akanda ont eu plus de considération que les habitants de Libreville, on se dit que la protection de la faune a parfois des effets de bord inattendus sur l’espèce humaine.

L’art de démolir avant de construire

« Construire d’abord, démolir ensuite » : voilà une logique tellement évidente qu’elle en devient révolutionnaire dans notre contexte. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pourquoi offrir un toit avant d’en retirer un autre ? Cette approche innovante du « destroy first, build later » pourrait bien faire école. Imaginons : « Mesdames et messieurs, nous allons fermer l’hôpital pour le rénover, les patients attendront dehors le temps des travaux »  ou encore : « Nous démolissons l’école, les enfants feront leurs devoirs sous les arbres en attendant la nouvelle construction » 

Les questions qui fâchent

Où dorment actuellement les « déguerpis » ? Dans des hôtels quatre étoiles aux frais de l’État ? Chez belle-maman ? Sous les ponts de Libreville ? Le mystère reste entier. Combien de temps devront-ils attendre ? Avec les délais gabonais légendaires, leurs arrière-petits-enfants inaugureront peut-être les logements promis à leurs aïeux. Et qui paie l’addition de cette comédie immobilière ? Le contribuable, bien sûr, ce spectateur involontaire mais fidèle payeur de ce théâtre de l’absurde.

Épilogue d’un déménagement forcé

En visitant le chantier de la Cité Mvett, le Président Oligui Nguema a sans doute admiré ces 300 logements en construction. Des logements qui, tel un mirage dans le désert, semblent destinés à toujours échapper à leurs premiers bénéficiaires. Car au fond, peu importe qui habite où, l’essentiel est que quelqu’un habite quelque part. Une philosophie du logement social d’une simplicité déconcertante : l’important n’est pas que chacun ait son toit, mais que chaque toit ait son habitant. Le plus risible c’est que malgré tout ça, le lot de logements offerts ne règle pas suffisamment la question de relogement des milliers de familles aujourd’hui déguerpies. 

En attendant, le grand jeu de chaises musicales gabonais continue, et quand la musique s’arrêtera, espérons que tout le monde aura trouvé une place assise. Ou debout. Ou allongé à la belle étoile… C’est selon. 

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