BGFIBank au cœur des grands chantiers:  quand l’État pousse sa principale banque privée dans l’œil du cyclone

D’un coût global de 140 milliards de FCFA, financé en grande partie par BGFIBank, ce projet structurant vise à désenclaver plusieurs régions du pays ©ComPrésidentielle

Libreville, le 2 juillet 2025 – (Dépêches 241). Le Gabon vient de signer deux contrats colossaux dans le secteur des infrastructures routières. Le premier, d’une valeur de 140 milliards de FCFA, a été attribué à l’entreprise ivoirienne Porteo BTP pour la modernisation de l’axe Alembé–Mikouyi. Le second, de 100 milliards de FCFA, financera un autre projet structurant porté par Ebomaf, un acteur burkinabè désormais bien connu des cercles d’influence gabonais. En apparence, ces projets s’inscrivent dans la dynamique de désenclavement prônée par le président Oligui Nguema. En réalité, ils sont révélateurs d’un choix de financement risqué, puisque BGFIBank, la première banque privée du pays, en assure à elle seule le portage financier. 

Henri Claude Oyima est décidément entre marteau politique et enclume bancaire. Le ministre de l’Économie se retrouve au centre d’une mécanique flirtant entre mélange de genre et scandale d’Etat. Propulsé à son poste par les circonstances politiques post-transition, il est encore directeur général de BGFIBank Gabon. C’est donc un homme aux multiples casquettes, mais aussi à double vulnérabilité. D’un côté, il doit soutenir les ambitions infrastructurelles du régime, sous peine d’apparaître comme un frein à la relance. De l’autre, il engage lourdement l’institution bancaire qu’il a dirigée, au risque de la surexposer à des projets à rentabilité incertaine. L’équilibre est de plus en plus fragile, et le moindre dérapage pourrait lui être fatal, autant politiquement que techniquement.

En mobilisant plus de 240 milliards FCFA en quelques semaines pour des projets non productifs à court terme, BGFIBank se retrouve dans une position risquée. Ces financements, une nouvelle fois sans appel d’offres ni véritable analyse de risque indépendante, lient durablement les ressources de la banque à des infrastructures publiques qui ne génèrent pas de revenus directs. Or, une banque commerciale ne peut se substituer durablement à un État : elle doit assurer son équilibre, sa liquidité, sa rentabilité. Une exposition excessive à l’État, dans un contexte de tension budgétaire, peut fragiliser son bilan et compromettre sa capacité à financer l’économie réelle.

Un secteur bancaire déjà sous tension

La situation est d’autant plus préoccupante que le secteur bancaire gabonais n’est pas au sommet de sa forme. Plusieurs établissements opèrent dans des conditions précaires, à l’image d’Orabank, dont les signaux de faiblesse sont de plus en plus visibles : faible collecte, exposition excessive à la dette publique, manque de liquidité, difficulté à attirer les grands comptes. Dans ce paysage incertain, la surexposition de BGFIBank, qui reste le pilier du système bancaire gabonais, représente un risque systémique. Si elle vacille, c’est toute la chaîne du crédit, du financement des PME et du commerce intérieur qui pourrait être affectée.

Ce recours massif au levier bancaire traduit en réalité une impasse budgétaire de l’État gabonais. Faute de capacités d’investissement propres, le gouvernement se tourne vers les banques commerciales pour porter ses ambitions, quitte à mettre en danger la stabilité du système. On assiste à une forme de nationalisation indirecte de la politique d’infrastructure, où l’argent des déposants alimente des projets non rentables, sans garantie de remboursement rapide. Le silence des autorités monétaires et des organismes de supervision s’ajoutent à la confusion. Qui, dans cette architecture, joue encore son rôle de régulateur ?

Derrière les promesses de désenclavement et les discours panafricanistes se cache sans aucun doute un pari dangereux : transformer une banque commerciale en bras financier d’un État sans ressources. Ce modèle a déjà échoué ailleurs en Afrique, précipitant des crises bancaires douloureuses. Si Henri Claude Oyima veut préserver à la fois sa crédibilité ministérielle et la viabilité de BGFIBank, il devra poser des garde-fous clairs, exiger la rentabilité et exiger que l’État cesse de traiter les banques comme une caisse parallèle. Dans cette relance aux airs de fuite en avant, c’est la stabilité financière nationale qui est en jeu.

2 Commentaires

  1. Il fallait s’y attendre sa nomination n’a d’autre but que faire participer la BGFI au financement des déficits budgétaires de l’État gabonais. On verra bien ce que va en dire le gouverneur de la BEAC qui, en sa double qualité de Président de la COBAC a récemment mis en garde les banques sur le risque systémique du financement des Etats qui est bien réel. Par ailleurs, une autre consequence de ce financement est l’éviction du secteur privé avec pour conséquence son incapacité à relayer l’État en cas de crise. De la crise financière nous passerons alors directement à une crise économique et sociale généralisée, beaucoup plus globale et plus difficiles à gérer qu’une simple crise financière parce qu’elle débouchera nécessairement sur la crise monétaire, avec le risque d’une d’évaluation du CFA de l’Afrique Centrale.

  2. Ngane pierre

    Avec Ali Bongo les sortie d’argent à BGfi n’étaient pas connues donc non médiatisé. Il faut déjà loué le fait de savoir à quoi servira cet argent malgré la non rentabilité.42 ans des les Bongoisme sortait l’argent de la BEAC et BGfi sans justifier l’utilité

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