Gabon: ingénieurs sans chantiers, PME sans capital, mais où en est la souveraineté promise par la Ve République ? 

L’exclusion des PME gabonaises des projets infrastructurels de la Ve République trahit la promesse de « Gabonisation » de l’Economie faite aux populations après la chute du régime Bongo © Dépêches 241

Libreville, le 4 Juillet 2025 – (Dépêches 241). Depuis des années, le Gabon investit dans la formation de ses ingénieurs civils, techniciens en travaux publics, architectes, urbanistes. Les écoles comme l’ENSET, l’INSG, ou encore les filières d’ingénierie à l’étranger, ont produit des cohortes de jeunes talents compétents et disponibles. Pourtant, à l’heure de l’exécution des grands projets, ces profils sont systématiquement absents des chantiers structurants. La promesse d’un renouveau économique porté par les Gabonais eux-mêmes reste lettre morte. Les diplômés gabonais attendent, dans le silence, les appels à contribution qui ne viennent jamais.

Les contrats de réhabilitation des routes, de construction d’infrastructures ou d’urbanisme sont confiés à des entreprises étrangères qui, dans la majorité des cas, arrivent avec leurs propres effectifs techniques. Porteo, Ebomaf, SACBA-TP ou des bureaux d’études étrangers prennent en main des projets sans obligation réelle d’intégration locale. Ni exigence de quotas pour les ingénieurs nationaux, ni plan structuré de transfert de compétences. Les jeunes Gabonais sont relégués aux marges du système, cantonnés à l’assistanat technique ou à des stages sans perspective.

Les petites et moyennes entreprises gabonaises du BTP sont confrontées à un double mur : l’accès au financement et l’exclusion des appels d’offres majeurs. Même lorsque certaines PME démontrent leur compétence, elles sont disqualifiées faute de garanties bancaires ou de réseau politique. Le poids des frais d’avance, l’instabilité des délais de paiement public, et l’absence de soutien réel les maintiennent dans un rôle de sous-traitance périphérique, loin des centres décisionnels et financiers. Dans ce contexte, impossible de grossir, d’investir ou de recruter.

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Et c’est l’État lui-même qui, par ses choix de prestataires et l’absence de stratégie de montée en compétence nationale, empêche la structuration d’un écosystème productif gabonais. Aucun programme gouvernemental d’accompagnement ciblé, aucun fonds dédié à l’outillage ou à la structuration des PME du BTP, aucune commande publique réservée aux entreprises locales. Pire, les jeunes ingénieurs se retrouvent à travailler à l’étranger ou à se reconvertir faute de débouchés, pendant que l’économie nationale importe des talents à prix fort.

Il ne suffit pas de dénoncer les marchés de gré à gré ou de faire défiler des plans sur PowerPoint. Il faut réformer le cadre institutionnel, créer un véritable environnement favorable aux entreprises nationales, et introduire des clauses d’intégration locale dans tous les marchés publics. Sans cela, la jeunesse gabonaise, pourtant armée pour construire son pays, continuera d’en être exclue. Il ne s’agit pas seulement d’économie, mais de justice sociale et de vision de développement. 

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