
Libreville, le 7 Juillet 2025 – (Dépêches 241). Le Document de Cadrage Macroéconomique et Budgétaire 2026 – 2028 prévoit une croissance moyenne du PIB réel de 3,3% sur la période. Ce chiffre est présenté comme le fruit d’une relance multisectorielle : mines, bois, agriculture, BTP, services. Pourtant, ce rebond annoncé contraste fortement avec les performances récentes. La croissance s’est située à 3,4% en 2024, et devrait retomber à 2,4% en 2025, selon les propres estimations du gouvernement. Le secteur hors pétrole, censé être le moteur de demain, ne devrait croître que de 2,4% en 2025, et ne bénéficie aujourd’hui d’aucune dynamique forte pouvant justifier une telle accélération sans transformations profondes.
Les espoirs du gouvernement reposent sur un contexte international « en amélioration » , une reprise des investissements publics et la mise en œuvre de projets structurants. Mais à y regarder de plus près, les montants prévus ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Sur la période 2026-2028, les dépenses d’investissement sont évaluées à 409,5 milliards de fcfa par an en moyenne, dont 314,2 milliards de fcfa en ressources propres. Rapportés à un budget total d’environ 3641 milliards de fcfa en moyenne, ces chiffres traduisent une priorité encore donnée aux dépenses courantes (personnel, transferts, fonctionnement). Peut-on sérieusement espérer un effet multiplicateur suffisant avec à peine 11,2% du budget consacré à l’investissement ?
Dans le même temps, les prévisions tablent sur une contraction du secteur pétrolier de -3% sur la période, alors qu’il reste la principale source de recettes d’exportation et d’apport en devises. En 2024, la production nationale de pétrole brut a atteint 11,5 millions de tonnes, en hausse de 3,1%. Une performance déjà exceptionnelle selon les rédacteurs du document. Comment, dans ce contexte de ralentissement pétrolier, maintenir une trajectoire de croissance sans transformation structurelle accélérée ? Aucune mesure concrète n’est avancée pour pallier ce recul: ni réforme fiscale profonde, ni choc de compétitivité industrielle, ni changement notable dans la gouvernance de l’investissement privé.
Par ailleurs, à fin mars 2025, les avoirs extérieurs nets se sont effondrés de 59,7 % par rapport à l’année précédente. Les crédits à l’économie ont reculé de 8,4 %, traduisant la prudence des banques et le désengagement progressif du secteur privé. Malgré cela, le gouvernement table sur un redémarrage des branches exportatrices ( bois, agriculture, mines ), alors même que la production de manganèse a chuté de 5,8% en 2024, et que l’exploitation forestière s’est effondrée de 34,9%. Ces tendances ne peuvent être inversées par simple volontarisme politique.
De plus, la consommation intérieure, censée être le moteur principal de la croissance, reste sous tension. Le taux d’inflation a été contenu à 1,2% en 2024, mais il résulte de mesures de stabilisation conjoncturelles, comme l’élargissement de la mercuriale ou le gel temporaire de certains prix. À moyen terme, avec un endettement prévu à plus de 70% du PIB en 2028 (très optimiste), et une masse salariale qui représentera jusqu’à 92% des recettes fiscales, la marge budgétaire pour soutenir la demande est quasi nulle. Le pari d’une croissance à 3,3% repose donc sur une succession d’illusions : celle d’un État stratège, d’un secteur privé dynamique, et d’un contexte international favorable. Autant de conditions qui, à ce jour, ne sont pas réunies.