
Libreville, le 10 Juillet 2026 Juillet 2025 – (Dépêches 241). Le verbe haut et la conviction chevillée au corps, Simon Adolphe Evouna n’a pas mâché ses mots ce mercredi à Libreville. Face à une assemblée de journalistes suspendus à ses lèvres, le porte-parole de la Ligue de Défense des Intérêts Démocratiques a dressé un tableau sombre du Gabon post-transition, où selon lui, les libertés démocratiques s’effritent sous les coups de boutoir d’un pouvoir de plus en plus autoritaire, autocratique et antirépublicain.
Cette coalition de treize formations politiques, du Parti Socialiste Unifié au Forum Démocratique Républicain, représente aujourd’hui l’une des voix les plus critiques face aux réformes entreprises par Brice Clotaire Oligui Nguema. Et pour cause : la récente loi sur les partis politiques, promulguée dans ce que les opposants qualifient de « précipitation cavalière », cristallise toutes leurs inquiétudes sur l’avenir démocratique du pays.
L’ironie de la situation n’échappe à personne. Voilà un régime né d’un coup d’État qui se drape dans les habits du réformateur démocratique, tout en adoptant des mesures que ses détracteurs jugent liberticides. « Le couronnement à la soviétique », lance Evouna avec une pointe de sarcasme, évoquant l’investiture du nouveau président. Une formule choc qui en dit long sur l’état d’esprit de cette opposition qui refuse de se laisser intimider.
Au-delà des joutes oratoires, c’est bien la question de la légitimité politique qui se pose. Comment des partis qui n’ont jamais exercé le pouvoir peuvent-ils être tenus responsables de la situation économique et sociale du Gabon ? Cette interrogation, Evouna la martèle avec l’obstination de celui qui sait qu’il touche un point sensible. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : malgré ses dix millions de tonnes de pétrole exportées annuellement, le Gabon compte plus d’un tiers de sa population sous le seuil de pauvreté.
Cette réalité économique alimente les revendications sociales de l’opposition. Un salaire minimum à 200 000 francs CFA, l’augmentation des pensions de retraite, le règlement des arriérés : autant de mesures qui s’inscrivent dans une logique de redistribution des richesses que les opposants jugent indispensable. « La dignité retrouvée de l’Homme gabonais passe surtout par là », clame Evouna, retournant habilement l’un des slogans favoris du pouvoir.
Mais c’est peut-être sur la question des déguerpissements que le discours de l’opposition prend une tonalité particulièrement accusatrice. Ces expulsions « manu militari » dans les quartiers populaires de Libreville, menées selon les opposants « dans les conditions peu orthodoxes d’une forte brutalité », révèlent selon eux le vrai visage d’un régime qui prêche la dignité tout en foulant aux pieds les droits des plus vulnérables.
Le parallèle avec l’histoire politique gabonaise n’est pas fortuit. En invoquant les figures tutélaires de Simon Oyono Aba, Joseph Rendjambe ou Pierre Mamboundou, Evouna inscrit sa démarche dans une filiation démocratique qui remonte aux grandes heures de la contestation politique gabonaise. Cette référence aux « illustres devanciers » et aux acquis démocratiques « obtenus de haute lutte » n’est pas qu’un exercice de style : elle vise à légitimer une opposition qui refuse de se laisser réduire au silence.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit: la peur de voir le Gabon replonger dans l’ornière du parti unique. La limitation d’âge pour les candidats à la présidentielle, portée à 70 ans, cristallise ces inquiétudes. Pour les opposants, cette mesure participe d’une stratégie plus large visant à « créer davantage du vide au sein de la classe politique ». Un calcul qui, selon eux, faciliterait le « maintien au pouvoir » de la galaxie Oligui Nguema.
L’opposition gabonaise semble avoir choisi sa stratégie: ne pas se contenter de critiquer, mais proposer une vision alternative. Cette approche transparaît dans leur programme social ambitieux comme dans leur volonté affichée de saisir les instances internationales. Une menace qui n’est pas sans fondement dans un contexte où les transitions politiques africaines font l’objet d’un suivi international renforcé.
Reste que cette coalition hétéroclite devra prouver sa capacité à dépasser le stade des déclarations pour devenir une force politique structurée. Entre les mots et l’action, entre l’indignation et la proposition politique concrète, le chemin est semé d’embûches. Mais une chose est certaine : dans le nouveau paysage politique gabonais, une opposition organisée vient de rappeler qu’elle entend bien faire entendre sa voix, quoi qu’il lui en coûte.