
Libreville, 21 août 2025 – (Dépêches 241). Il y a quelques jours, le président de la République, chef de l’État, chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema, a procédé à la remise de quelque 260 logements sociaux à Bikélé Zong. Un geste attendu par les déguerpis des quartiers Plaine-Orety, derrière l’Assemblée nationale, ainsi que des zones jouxtant les ambassades de Chine et de Russie, chassés de leurs habitations par les casses gouvernementales. Mais, à la stupeur générale, nombre de ces logements auraient été attribués non pas aux victimes directes de ces démolitions, mais à certains syndicalistes, activistes et artistes. Un scandale qui rappelle, de manière inquiétante, les pratiques clientélistes du régime déchu d’Ali Bongo Ondimba.
Depuis près de trois mois, plusieurs familles expulsées vivent dans la rue, dans des abris de fortune ou hébergées par des proches. Elles espéraient que la livraison des logements de Bikélé Zong serait la fin de leur calvaire. Or, elles découvrent avec amertume qu’elles ont été écartées au profit de personnes non nécessiteuses, proches du pouvoir ou jugées utiles à sa propagande. Une injustice criante, qui pourrait donner l’impression d’une volonté délibérée de sacrifier les véritables victimes pour récompenser les fidèles du régime.
Cette dérive, insensée mais assumée, renvoie aux méthodes de l’ancien système : favoritisme, opacité et mépris des plus fragiles. Elle contredit frontalement le discours officiel de la Transition, et réitéré le 16 août dernier à l’occasion du discours à la nation lié à l’accession du pays à la souveraineté internationale le 17 août 1960, qui se voulait une rupture avec les inégalités. Pourtant, le coup d’État du 30 août 2023 avait été présenté comme un acte de libération du peuple et de restauration de la justice sociale. Or, à la lumière de ces faits, le discours de changement s’effondre, remplacé par une politique de privilèges à peine voilée.
Plus grave encore, cette décision envoie au monde l’image d’un État irresponsable, préférant flatter ses soutiens plutôt que de répondre aux urgences sociales. Attribuer des logements à des syndicalistes ou des artistes déjà établis, pendant que des familles entières impactées par les casses et les déguerpissements sont toujours sans endroit où loger, témoigne d’une absence de considération élémentaire pour les citoyens en situation d’extrême précarité. C’est la victoire des courtisans qui applaudissent en permanence, et la défaite des démunis condamnés à l’errance.
Face à ce qu’il qualifie de « trahison », le regroupement de syndicats du secteur éducatif a vivement dénoncé cette opération. Dans une déclaration ferme, il exige que les bénéficiaires indus soient dessaisis de leurs maisons, au risque d’aggraver davantage un climat social déjà délétère. Même des voix indépendantes, à l’image de la journaliste Anne-Marie Dworaczek Bendome, dénoncent un « sabotage de l’action présidentielle », estimant que cette dérive ne peut que creuser le fossé entre Oligui Nguema et les populations sinistrées.
L’affaire soulève dès lors une question brûlante : le Chef de l’État est-il réellement à l’origine de ce détournement, ou bien a-t-il été piégé par son entourage ? Dans les deux cas, son silence devient problématique. En ne rectifiant pas cette injustice flagrante, il laisse prospérer le doute sur la sincérité de ses promesses et sur sa capacité à rompre avec les pratiques qu’il avait juré d’éradiquer.
Dès lors, l’attribution des logements sociaux de Bikélé Zong illustre la dérive d’un pouvoir qui s’annonçait salvateur mais qui retombe dans les travers les plus décriés il y a peu. En excluant les véritables déguerpis au profit de ses alliés, le régime en place se rend coupable d’une faute morale et politique majeure. S’il veut conserver un minimum de crédibilité, Oligui Nguema doit agir vite : retirer ces logements à ceux qui n’y ont pas droit et les remettre aux victimes légitimes. À défaut, son discours de rupture apparaîtra pour ce qu’il semble déjà aux yeux de ses détracteurs: une coquille vide.







