Afrique: résurgence des coups d’Etat, quelle analyse?

souvent acclamés par les populations, les coups d’Etat témoignent la faillite des démocraties africaines

Libreville, le 22 février 2022 (Dépêches 241). Le Mali, la Guinée Conakry et plus récemment le Burkina Faso, l’Afrique est de nouveau confronté depuis quelques années, à une résurgence des coups d’État. Dans le texte qui suit, notre éditorialiste livre une analyse froide, sur ce phénomène qui donne à penser le fonctionnement des démocraties africaines. 

La résurgence des coups d’État militaires en Afrique tels qu’ils sont aujourd’hui manifestes au Burkina-Faso, en Guinée-Conakry et au Mali invite nécessairement à penser. Elle constitue précisément pour les élites politiques et intellectuelles de ce continent une opportunité de réflexion. Car, si ce mode de prise de pouvoir est à nouveau redevenu une option quasiment souhaitée par les populations, c’est que le système démocratique choisi par la majeure partie d’entre nos pays échoue très souvent à s’organiser selon les exigences de ce mode de gouvernance. Et ce ne sont pas les preuves pour corroborer cette idée  qui manquent : elles sont nombreuses et légitimes.

Autoritarisme, favoritisme, corruption, injustice, non prise en compte des aspirations des populations. Clairement, toutes ces pratiques participent et favorisent l’exaspération des populations, d’autant qu’elles sont la marque d’une incompétence politique certaine. Et comme si cela n’était d’aucune gravité, s’ajoutent des modifications calculées de la constitution, sinon la fraude dès lors que se présente l’opportunité d’un changement de régime par voie d’élection. En raison de quoi de telles régimes perdurent avec le soutien souvent avéré ou supposé des puissances occidentales, en l’occurrence ici la France qui les cautionne : coopération cordiale sur les plans diplomatique, économique et militaire, de quoi rassurer tous ces dictateurs dont le pouvoir pour le pouvoir devient dans ces conditions la seule préoccupation puisque, n’ayant plus rien à craindre des citoyens qu’ils peuvent tuer à souhait.

Que les populations sursautent de joie dans ces pays lorsque survient un coup d’État n’est pas ridicule, elles expriment tout juste un sentiment enfoui en elles depuis trop longtemps ; celui de se sentir dignes et appartenir à une nation souveraine. D’autant qu’il y a manifestement exprimée dans le fait de la prise de pouvoir par les armes, la symbolique d’une reprise en main de sa pleine souveraineté. Toute chose qui, au demeurant, ne déplairait à personne ni à aucun peuple encore plus lorsqu’il a été injustement opprimé dans sa propre patrie, comme le sont là plupart des citoyens et des peuples sur le continent.

Mais cela n’est pas tout. Qu’ils soient tenus pour des héros à ce moment-là est bien acceptable, pour autant, qu’on le reconnaisse également, cela est signe flagrant de malaise en ce qu’un coup d’État dit d’abord et toujours l’échec du politique. Disons plus simplement son incapacité à conduire convenablement les affaires publiques d’une nation. Et qu’Alain Foka et bien d’autres connaisseurs de l’histoire politique africaine veuillent relativiser les faits en citant pêle-mêle en exemple Mathieu Kérekou, Thomas Sankara, Paul Kagame comme des modèles d’hommes en arme ayant réussi à impulser une nouvelle dynamique politique positive après leur prise de pouvoir ne change rien au fond du problème  : la vocation des militaires est toute autre que celle de diriger un pays.

C’est pourquoi un coup d’État ne constitue pas une réponse politique fiable. Tout juste est-il une remise en cause de ce qui est. Ce qu’il faut plus valablement, c’est penser. C’est-à-dire, se résoudre à une réflexion profonde susceptible de réconcilier chaque peuple avec ses dirigeants par la production d’un modèle de gouvernance convenable à leur ethos. La tâche n’est pas aisée, mais elle doit être accomplie si on veut construire des nations plus apaisées et plus fortes politiquement. Car le mimétisme institutionnel dans lequel se trouvent nos Etats montre de plus en plus ses limites. Il peine à satisfaire nos attentes. Et la seule bonne volonté empreinte de patriotisme que manifeste les hommes en uniforme ne peut suffire à restaurer politiquement les nations africaines. Ce qui le pourra durablement, c’est vraisemblablement la production d’un cadre institutionnel et des pratiques issus de leur propre intelligence politique. C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à regarder à nos pratiques politiques traditionnelles. 

Là est le défi de notre temps, travailler avec audace et intelligence à refonder nos pratiques politiques si on veut se sauver des déchirements que causent ces modèles de gouvernance et de vivre ensemble adoptés par “imposition”.

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