Crise au sein du BDC: de la nécessité de bâtir les partis politiques sur des valeurs et non sur des hommes

Feu Pierre Louis Agondjo Okawe, Guy Christian Mavioga, Omar Bongo et Pierre Mamboundou ©DR

Libreville, le 25 février 2022 (Dépêches 241). Les militants du Bloc démocratique chrétien, Dieudonné Lebongo, Fortuné Mfoubou Mbaki et Biyambou Pendy, ont cosigné un communiqué publié récemment dans lequel, ils ont dénié à Anna Claudine Ayo, le droit de représenter d’une quelconque manière, le parti politique auquel ils appartiennent. Cette sortie fait suite à l’audience qui avait été accordée par le Secrétaire général du Parti démocratique gabonais, Eric Dodo Bounguendza à l’épouse du fondateur du BDC, Guy Christian Mavioga, décédé il y a quelques mois des suites de la Covid-19. 

Inéluctablement, ce communiqué acte de façon claire le début d’une guerre fratricide, qui pourrait se solder par une scission de cette formation politique, tout en relançant de manière globale, le débat autour des réelles valeurs sur lesquelles se fondent les partis au Gabon, ainsi que celui relatif à l’hyper-personnalisation desdits partis.  

« Il ne sera jamais question que le BDC devienne un parti familial successoral, encore moins un héritage conjugal car le qualificatif  veuve n’est pas une fonction au sein du BDC ». Les mots de Dieudonné Lebongo, Fortuné Mfoubou Mbaki et Biyambou Pendy, tous militants du Bloc démocratique chrétien, adressés à l’endroit de Anna Claudine Ayo épouse du fondateur de ce parti, Guy Christian Mavioga, aujourd’hui décédé, sonnent  à quelques différences près, comme un refrain pour n’importe quel observateur de la vie politique Gabonaise. Laquelle histoire politique, est jalonnée par des guerres fratricides ayant occasionné scissions, divisions, et démissions en cascades quasiment à chaque fois que le chef de file d’un parti politique décède. 

L’HYPER-PERSONNALISATION DES PARTIS POLITIQUES GABONAIS 

Naturellement, le symbole le plus marquant de cette réalité, est la multitude de démissions et de candidatures provenant du Parti démocratique gabonais (PDG), lors des présidentielles 2009 quelques semaines après le décès d’Omar Bongo, président et fondateur du parti des masses. Dans la même lignée, le seul décès de Pierre Mamboundou Mamboundou avait suffi pour déliter l’Union du Peuple Gabonais (UPG), au point de voir naître en son sein, pas moins de quatre tendances (la tendance Mboumba Nziengui, la tendance Moukagni Iwangou, la tendance Bruno Ben Moubamba et la tendance Wora). 

Ainsi donc, depuis plusieurs années maintenant, l’histoire politique du Gabon semble bégayer. Si de nombreux observateurs voient à travers ses dissensions l’expression des égos parfois surdimensionnés des acteurs politiques, on peut également noter que l’incapacité d’un parti à surmonter le décès de son  leader, est la manifestation d’un déficit de culture démocratique, concernant précisément les fondements sur lesquels doivent s’ériger les écuries politiques. En effet, force est de constater pour le regretter, qu’au Gabon comme dans de nombreux pays africains, plutôt que de plonger leurs racines dans les valeurs et les idéologies qui sont éternelles, les partis politiques se construisent autour de personnalités « divinisées » qui concentrent tous les pouvoirs et toutes les prérogatives. 

L’HYPER-PERSONNALISATION, UNE ANOMALIE À CORRIGER 

Une théorie développée sous fond de dénonciation par Karl Popper dans son ouvrage intitulé « La Société ouverte et ses ennemis. ». Le philosophe évoque notamment dans ses travaux, la symbolique des sociétés closes, qui sont des régimes politiques dans lesquels tous les pouvoirs sont concentrés autour d’un individu, à qui on attribue des prérogatives « supra naturelles »  proches de la seigneurie. Prérogatives du reste, que lesdites personnalités emportent avec elles dans leurs cercueils, laissant les partis politiques et partant les Institutions de la République (pour ceux ayant été président) telles des coquilles vides sans repères, sans valeurs et donc dénuées d’idéologie politique. 

En France, la puissance coloniale qui demeure le modèle, la vie politique est régentée par deux principaux pôles de pouvoir. Dit autrement, deux principales familles politiques. D’un côté la gauche socialiste fondée sur l’égalité et l’idée d’une répartition équitable des richesses et de l’autre, la droite qui tire ses fondements dans le libéralisme économique et politique. 

Un ordonnancement suffisamment puissant, pour résister au temps et aux hommes. Fondements du reste qu’on ne retrouve pas dans les formations politiques gabonaises, créées opportunément avec souvent l’ambition de servir des intérêts personnels et égoïstes. Bloc Démocratique Chrétien, Union du Peuple Gabonais (UPG), l’Alliance Démocratique et Républicaine (ADERE), Parti Gabonais du Progrès (PGP) et dans une moindre mesure le Parti Démocratique Gabonais (PDG), sont entre autres des formations politiques qui n’ont pas su résister et continuer à progresser normalement après le départ de leurs leaders originels.  

A l’évidence, la pérennisation des partis passera par un changement de paradigme. Il urge désormais de refonder les associations politiques, autour de principes idéologiques et des valeurs conformes à la démocratie, le système politique en vigueur au Gabon. C’est à ce prix que le décès des leaders politiques ne sera plus synonyme de dissensions et de guerres fratricides comme c’est le cas aujourd’hui. 

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