Charte de la transition: violation des textes, interprétation partisane de la loi, en 4 mois seulement, le CTRI se déjuge t-il déjà ?

Le CTRI se doit de réviser ses positions dans l’interprétation des textes et lois en vigueur ©DR

Libreville, le 25 janvier 2023-(Dépêches 241). Arrivé au pouvoir le 30 août 2023 à la suite du « coup de liberté » qu’il a magistralement orchestré en déposant le régime d’Ali Bongo Ondimba, le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) a suscité espoir et optimisme chez de centaines de milliers de Gabonais, longtemps abusés par une caporalisation suffocante de l’État et des institutions de la République. Seulement, quatre mois après cette opération, le CTRI semble multiplier les maladresses notamment en ce qui concerne le respect de la Charte de la Transition.

Incarné par le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, le CTRI, désormais au pouvoir, avait suscité chez une part importante de gabonais, l’espoir de voir enfin émerger un Gabon nouveau et rénové. Un Gabon loin de la corruption, du népotisme, du clientélisme, mais surtout un Gabon doté d’institutions fortes au sein duquel, les textes de lois ne seraient plus malmenés ou violés à souhait sous l’autel des ambitions personnelles. Seulement, les espoirs de voir l’avènement d’un véritable État de droit sont depuis quelque temps et à travers quelques décisions, progressivement douchés. L’euphorie et l’enthousiasme naissant impulsés par la nuit historique du 30 août 2023, cèdent peu à peu du terrain au pessimisme et à l’inquiétude, tant les violations des principes probatoires du droit se font récurrentes. 

Pourtant, à l’occasion de la présentation des vœux à l’armée, le président de la Transition, président de la République, Chef de l’Etat a réitéré sa volonté de conduire un état dont les instances composantes ont en valeur le respect des lois de la République. Aux militaires désormais au pouvoir, Brice Clotaire Oligui Nguema a rappelé ceci. « Je veux une armée fondée sur l’observation des lois et des textes en vigueur, sur le respect des droits et des libertés des citoyens (…) », avait-il déclaré. 

Des paroles qui tardent à se matérialiser car, aujourd’hui, il semble à présent acquis qu’une partie de l’opinion publique s’inquiète de la trajectoire prise par la Transition, au regard des violations flagrantes du droit observées dans notre pays. Symbole de cet état de fait, l’arrêté n°001/PM du 08/01/2024 portant ouverture de la bourse d’études aux élèves de l’Enseignement Secondaire qui est venu modifier le décret n°00148/PR/ MESRST NFC du 07/06/2021 fixant le régime des bourses en République gabonaise. 

Une incurie juridique qui viole grossièrement le principe élémentaire de la hiérarchie des normes, lequel interdit qu’une norme inférieure, en l’occurrence l’arrêté n°0001/PM du 08 janvier 2024, puisse modifier une norme supérieure, notamment le décret n°00148/PR/MESRSTTENFC du 07 juin 2021. Un principe du reste consacré par une jurisprudence de la Cour constitutionnelle par le biais des considérants 12 et 16 de sa décision n°045/CC du 31 décembre 2021, portant annulation de l’arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la Covid-19.

Plus récemment, c’est l’article 35 de la Charte de la Transition qui vient de connaître une interprétation quelque peu partisane, pour ne pas dire une transgression apparente. Il convient de rappeler, afin que nul n’ignore, que l’article 35 de la Charte de la Transition nous enseigne que « le Président de la Transition remplit les fonctions de chef de l’Etat. Il est le ministre de la Défense et de la Sécurité. Il veille au respect  de la charte de la Transition et de la Constitution du 26 mars 1991». Ici, c’est le principe juridique du parallélisme des formes qui se voit violé. Ce dernier consacre l’idée selon laquelle une décision administrative prise sous une certaine forme ne peut être retirée, abrogée, annulée ou modifiée qu’en respectant les mêmes formes. 

À l’issue du dernier remaniement gouvernemental, les fonctions de ministre de la Défense et de la Sécurité ont été transférés respectivement au Général de division Brigitte Onkanowa et à Hermann Immongault sans que la charte de la Transition n’ait fait préalablement l’objet d’une modification comme ce fut le cas avec la loi n°001/2023 du 6 octobre 2023 portant révision de la Charte de la Transition en instituant à l’article 35 nouveau, le statut de Président de la République au Général Brice Clotaire Oligui Nguema. Une transgression de la loi qui a du reste conduit l’avocat Anges Kevin Nzigou à saisir la Cour Constitutionnelle pour annulation du décret portant nomination de la dernière équipe gouvernementale

En procédant ainsi, le général-Président et le Comité pour la Transition et la restauration des Institutions (CTRI) se dédisent dangereusement en faisant prospérer l’idée d’un pouvoir qui, comme le précédent, se vautre dans le non-respect des textes. Les juristes de la présidence gagneraient à aiguiller le président de la Transition avec sincérité, rigueur et sens de la responsabilité. Il en va de la réussite de cette transition qui ne saurait être effective, si le désamour entre ses nouveaux dirigeants et le Peuple s’installe. Encore plus si le dernier cité se rend compte, fatalement, qu’à l’instar de l’ancien régime, le Comité de Transition pour la Restauration des Institutions contrevient et galvaude avec une certaine désinvolture, les lois de République. 

One Commentaire

  1. YOSSA YOSSA

    Au regard de ces violations répétées de la Charte de la transition, il va sans dire que cette transition n’est pour “la restauration des institutions”, mais plutôt pour la continuation et la pérennisation des comportements honnis et vomis par le peuple gabonais en corps.

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