Journée du 8 mars: Plaidoyer pour la consolidation des droits des femmes au Gabon 

Weslene Djoumbou, Doctorante en droit Public à la Faculté de Droit de l’université Nice Côte d’Azur © DR

Libreville, le 8 mars 2024 – (Dépêches 241). Dans une tribune parvenue à la rédaction de Dépêches 241, à l’occasion de cette journée du 8 mars, Weslene Djoumbou, Doctorante en droit Public de la Faculté de Droit de l’université Nice Côte d’Azur en France, dresse avec une exactitude rare les acquis en terme de droit de la Femme en Républicaine Gabonaise. L’occasion pour cette compatriote au delà des avancées non négligeables consenties par les différents gouvernements ,d’inviter les nouvelles autorités de la transition à davantage oeuvrer pour le renforcement de la condition de la femme. Nous publions in extenso ladite tribune. 

Chers compatriotes en ce jour spécial, le monde s’arrête pour célébrer la femme en tant que sujet de droit et, la consécration de cette réalité juridique. En effet, depuis le début du XX e siècle ( 1909) de nombreuses femmes ont battu le bitume afin de lutter pour les inégalités de genre auxquelles nous étions victimes. Ainsi, du Woman’s day aux USA qui tire son origine de la manifestation du droit de vote des femmes en Amérique, à la journée des femmes en Europe instaurée en vue de l’obtention de nos droits civils et politiques, à la reconnaissance internationale de ceux-ci par l’ONU en 1977, nous pouvons être fière et féliciter la témérité de toutes ces combattantes braves (Winnie Mandela, Angela Davis et Djamila Bouhired,Rosa Parks Simone de Beauvoir , Chimamanda Ngozi Adichie, aux avancées scientifiques de Madeleine Pelletier et Marie Curie…) qui ont compris,  la nécessité d’affirmer la femme dans le monde comme un acteur incontournable de développement. Une pensée particulière anime notre volonté féminine d’autodétermination notamment avec la consécration constitutionnelle du droit à l’avortement en France le 4 mars 2024. C’est une victoire extraordinaire quant à la consolidation du droit de la femme à disposer de son corps.

Outre ces avancées internationales,soulignons qu’en parlant de pouvoir, l’histoire du Gabon fait état des femmes gabonaises de renom qui ont aussi pris part à la vie politique dans nos sociétés traditionnelles. Par  conséquent, contrairement à ce que la pensée phallocrate post coloniale tend à nous indiquer, la  femme avait un rôle tout aussi important et elle  n’a pas été au cours de l’histoire que cette femme décrite comme soumise, simple victime. A ce titre d’ailleurs, Koumba Pambolt affirme  qu’elles ont été « surtout des « cheffesses » ayant exercé l’autorité politique à la tête d’un clan ou d’un lignage : Makove du clan Mouva, Kumba-Mungueka du clan Mussanda, la vieille Kengue, du clan Bassamba, M’Buru- Akosso, du clan Mandi, etc. » Mais nous avons aussi des reines comme « Ilassa de la pointe Owendo et de l’île Koniquet, Evindo et Mbumba chez les Enenga » qui ont marqué par l’autorité qu’elles ont exercé. Au sens du droit positif interne, le point culminant au Gabon  de l’histoire des droits des femmes est sans conteste, la  loi- cadre « Gaston Defferre » de juin  1956 qui proclame, l’égalité des droits politiques pour tous les hommes et toutes les femmes âgés de 21 ans accomplis dans les territoires français d’Afrique. 

Ensuite, au lendemain de l’indépendance du pays en 1960, la Constitution du 21 février 1961, consacrant les droits et les libertés de la personne humaine tels que définis dans la Révolution française de 1789 et la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948. Dans cette optique, l’État gabonais ratifie la Convention sur les droits politiques de la femme en 1966, initié par l’ONU en 1952. À ces différentes dispositions, s’ajoute une volonté du chef de l’État de l’époque, Léon M’ba Minko, « qui dès 1962 avait déjà favorisé l’élection de deux femmes comme députés (…) Mesdames Antoinette Tsono et Virginie Ambougou, respectivement infirmière et cultivatrice de profession » 

De même, relevons qu’en 1983, avec la ratification de la Convention sur l’Élimination de toutes les Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDEF), on observe une nette évolution de la participation des femmes gabonaises à la vie politique. Au plan national, la création d’un secrétariat d’État à la Condition féminine constitue un tournant. Rose-Francine Rogombé, une jeune magistrate, est promue à cette fonction. Enfin, l’année  2009, quant à elle, introduit  pour la première fois dans l’histoire politique et institutionnelle du Gabon, une femme comme présidente de la République.( Rose-Francine Rogombé).  Depuis lors, l’Etat ne ménage aucun effort pour la protection des droits des femmes. La législation évolue avec notamment : la loi relative à la suppression des discrimination en matière successorale dans le code civil ( 2015).  Loi pour l’instauration des quotas d’accès des femmes et des jeunes aux élections et des femmes aux fonctions supérieures de l’Etat ( 2016 ) ; La consécration constitutionnelle de la parité ( 2018) ;  Modification du code pénal pour renforcer la pénalisation de la violence L’entrée en vigueur en 2021 de la loi 006/2021 portant élimination des violences faites aux femmes en  consacrant, de façon inédite : les notions de violence patrimoniale , économique et le viol conjugal. 

Ipso Facto, nous  pouvons être fiers du Gabon car, ce texte est une révolution compte tenu que , « L’Afrique est la région du monde où les femmes ont le plus de risques d’être tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille ». En cette journée de réflexion, il m’échoit néanmoins de  constater qu’il y a encore beaucoup à faire sur le plan social et institutionnel au Gabon bien que, les avancées confortent considérablement nos espoirs. Sur le plan social, nous devons lutter pour la consolidation de la dignité humaine des femmes. Pour ce faire, il faut d’emblée que  les politiques publiques en  matière de santé maternelle soient plus efficaces, plus protectrices  et plus solidaires. L’objectif est de ramener à un taux résiduel le taux de mortalité en couche. 

Dans le même sens, entendu que, les femmes subissent encore les discriminations de genre, le Diktat , le patriarcat, et la misogynie, nous devons davantage inviter, les pouvoirs  publics à matérialiser pleinement, les dispositions du protocole de Maputo ratifié par le Gabon en 2006 qui dispose que : «  chaque femme doit avoir le  droit à la santé et au contrôle de ses fonctions de reproduction »

In fine, avec près de 39% de familles monoparentales ( composées à majorité de la mère et des enfants) et un potentiel économique qui justifie qu’aujourd’hui, chaque femme revendique de l’Etat plus de responsabilités et une meilleure politique redistributive du produit nationale, le Gabon doit davantage s’atteler à protéger les mères célibataires en leur garantissant des minimas sociaux conséquents mensuels d’une valeur supérieure ou égale à 450 mille FCFA constitués par : le Revenus de solidarité nationale, l’ Allocation  de soutien familial,la  Prime d’activité, l’Allocation d’aide au logement..) en vue de protéger leur dignité humaine ( accès à un logement décent, Travail, Sécurité sociale, aides à la garde des enfants; revenus suffisants; accès aux soins médicaux , Aide à la scolarisation des enfants…). 

Sur le plan institutionnel, nous devons davantage militer pour l’affirmation des compétences féminines gabonaises dans la sphère institutionnelle. 

En effet, selon Jeanne Nzaou Mabika « Quand elle est convaincue de l’utilité de sa tâche, la femme gabonaise peut accomplir les plus grandes prouesses, de façon désintéressée ». L’instauration de la parité doit nécessairement dépasser le prisme du politiquement correct,pour être, un véritable levier de compétences révélant sur la scène institutionnelle gabonaise, les talents féminins dans leurs pleins potentiels. 

C’est pourquoi, à l’instar des trois personnalités politiques emblématiques de la fin des années 1990, qui  ont su, saisir l’opportunité qui leur était donnée pour apporter leur empreinte et marquer à jamais l’histoire politique du Gabon,il revient pour l’heure à  chaque femme d’affirmer dans un militantisme féministe la valorisation de ses compétences telles que l’ont fait  :  Berthe Mbené Mayer ( 1 ère femme maire de la ville de Lambaréné de 1996-2001 où, elle entreprend de grands travaux avec la construction de routes, d’écoles, la mise en place d’équipements électrique, d’eau, l’ouverture d’une zone industrielle qui génère quelques emplois grâce à des usines.» ; Paulette Missambo (  nommée ministre à l’Éducation nationale de 1991 à 1999 est décrite par les syndicalistes comme « le ministre qui a le plus travaillé ». En 2016, Le Conseiller Nestor Nguema Ndong ajoute même que:«Sous Paulette Missambo, les programmes d’Histoire-Géographie ont été revus, les départements étaient bien outillés, et la production était plus importante. » 

Ainsi qu’ Angélique Ngoma, qui a été en charge du ministère de la Famille, de la Protection et de la Promotion de la Femme en 2000. Elle fait adopter  en août 2000, la  loi n°1/2000 « en faveur de la protection sanitaire de la mère et de l’enfant ».  Elle a accompli un certain nombre de réalisations parmi lesquelles figurent : Une  enquête sur « Femmes et Prise de décision » en octobre 1999 visant à établir «  un diagnostic de la situation de la femme dans la prise de décision économique, politique» , mais aussi soumettre aux décideurs des recommandations dans ce sens. 

En définitive, en cette journée singulière, l’enjeu est de rompre avec le népotisme qui fragilise la condition des femmes dans la gouvernance publique. Nous prônons alors pour un renforcement institutionnel des femmes basé  sur une logique de  parité positive qui valorise, la compétence et des critères objectifs de nomination aux emplois publics. 

Weslene Djoumbou, Doctorante en droit Public

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