
Libreville, le 19 mars 2025 – (Dépêches 241). Depuis l’officialisation de la candidature du Général Brice Clotaire Oligui Nguema à l’élection du Président de la République d’avril prochain, un événement curieux se déroule sous nos yeux, mais dont les conséquences pourraient se révéler très graves sur la jeune démocratie gabonaise. C’est cette convergence tout azimut qui fait que sur plus d’une centaine de partis politiques légalement reconnus, presque tous, ont intégré le Rassemblement Des Bâtisseurs (RDB), mouvement politique créé par le Général-Candidat, en vue de se faire élire au soir du 12 avril. Ce qui ferait désormais croire dans l’opinion à l’idée d’un retour possible vers la création d’un nouveau Parti unique.
Ces derniers jours, plusieurs observateurs politiques gabonais ne cessent de ruminer leur inquiétude face à la trajectoire vers laquelle semble s’orienter la politique nationale. Car, selon eux, depuis le retour au multipartisme au Gabon dans les années 1990, l’élection présidentielle d’avril prochain serait la première élection où aucun parti politique ne présentera de candidat. Un fait tout à fait marquant au regard des voix dissonantes de plus en plus nombreuses qui dénoncent la gestion peu orthodoxe de l’État par les militaires au pouvoir.
S’il est vrai que le peuple a unanimement acclamé le coup d’État du 30 août 2023, car celui-ci a rallumé la flamme d’un certain espoir en l’avenir, on ne saurait l’affirmer pour les Partis et mouvements associatifs à caractère politique. D’autant que ce qui caractérise un Parti politique et les mouvements de même nature, c’est leur capacité à mettre en œuvre des mécanismes politico-sociaux permettant leur accès et leur maintien au pouvoir. Or, ce qui s’apparente désormais à un phénomène sous bannière exclusive gabonaise, interroge légitimement sur l’avenir du pays et particulièrement de l’avenir de la démocratie au Gabon. Tout semble désormais réuni pour l’avènement d’un dialogisme de convergence où l’ensemble de la classe politique pense et regarde uniquement dans le même sens. Les Partis politiques ayant volontairement renoncé à leurs devoirs d’équilibre social, pour des raisons inavouées, il va sans dire que les tenants du pouvoir actuel ne pourraient que s’en réjouir.
Qu’il n’y ait pas de candidat sous la bannière de Partis politiques, cela pourrait encore se comprendre, en considérant que les candidats devenus indépendants aujourd’hui ont littéralement déserté leurs anciens partis pour avoir une meilleure chance de prétendre à cette échéance électorale. Mais que tous ces partis politiques, dont l’opinion se remémore encore l’histoire et les combats s’alignent derrière un seul homme et intègre tels des moutons de panurge un mouvement politique sans repère, au projet inconnu, qui au final, pourrait tous les aspirer, est une véritable curiosité politique. Une ingéniosité aux couleurs du treillis dont le mérite reviendrait à un seul homme: le Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema.
Un renoncement lâche des leaders politiques ?
Car, il aura réussi à convaincre l’ensemble de la classe politique gabonaise, non seulement à l’adouber comme unique candidat crédible, mieux, il les aurait incités à intégrer son mouvement politique spontané. Ainsi, il ne laisserait de possibilité à aucun de ces partis politiques de s’opposer à lui à l’avenir. Ce qui aux yeux de beaucoup pourrait installer insidieusement le Rassemblement Des Bâtisseurs (RDB) comme une sorte de Parti unique.
À ce titre Franck jocktane, acteur politique gabonais, s’est fendu d’un post sur le réseau social Facebook pour récuser ce qui se passe actuellement. Aussi s’est-il exprimé en ces termes « Nous sommes témoins d’un retour à un système de Parti unique. Le débat démocratique semble avoir disparu de notre pays. C’est dans une telle situation que nous risquons de dévaloriser notre nation. J’éprouve un profond attachement pour le Gabon et son peuple. Il est impératif d’instaurer des garde-fous au sein de notre pays et d’établir un équilibre des pouvoirs au lieu d’une concentration excessive du pouvoir », a-t-on pu lire sur sa page Facebook officielle.
Cela étant, si ce qui semble se dessiner à l’horizon pourrait faire courir les risques d’autocratie au Gabon, il ne saurait être question de renoncer à un certain optimisme, un certain espoir. D’autant qu’il serait inconcevable que les militaires qui ont dit être venus au pouvoir pour restaurer les Institutions et la dignité des gabonais, se fourvoient en installant un climat politique lourd. L’espoir reste encore permis car c’est lors des élections législatives et locales que le peuple pourrait définitivement être situé sur la légitimité ou non de ses inquiétudes actuelles.