
Libreville, le 11 juin 2025 – (Dépêches 241). Les déguerpissements des populations dans plusieurs quartiers de Libreville, dont Plaine-Orety et derrière l’Assemblée Nationale, suscitent de nombreuses réactions, tant de la part des victimes que chez certaines personnalités politiques gabonaises. Celles-ci s’indignent du traitement déshumanisant, particulièrement brutal et barbare que l’État réserve à ses citoyens depuis le début du mois de juin — en totale contradiction avec les engagements du Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, lequel avait promis de faire de la transparence et du bien-être des Gabonais les piliers fondamentaux de sa gouvernance. Alors que les sinistrés continuent de réclamer les preuves de l’indemnisation des familles vivant sur ces sites, le Ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Ludovic Megne Ndong , a pris la liberté de citer le cabinet BENGA comme acteur majeur détenant la liste des familles prétendument indemnisées. Sans attendre, Maître BENGA a réagi par un post sur sa page Facebook pour recadrer le membre du Gouvernement, battant en brèche les allégations du patron de l’Habitat et l’Urbanisme.
Amateurisme, violence, brutalité inhumaine, barbarie et mensonge éhonté: voilà les qualificatifs qui semblent désormais décrire la procédure liée aux déguerpissements des populations des lieux-dits Plaine Orety, derrière l’Assemblée et des zones jouxtant les Ambassades de Chine et de Russie, où les habitants se retrouvent littéralement à la rue. Parmi eux, femmes, enfants, personnes vivant avec un handicap, veuves, orphelins, personnes âgées et malades sont abandonnés à leur triste sort, par la faute de l’impreparation de l’État, qui se montre aujourd’hui incapable de trouver des solutions viables de relogement à de milliers de familles.
Une situation particulièrement vile et dégradante qui dévoile l’amateurisme politique et social dont vient de se rendre responsable la nouvelle équipe gouvernementale. Aucun membre du Gouvernement, pas même le Président de la République, Chef de l’État Brice Clotaire Oligui Nguema, ne semble ému par ces images dignes d’un pays en guerre qui déshonorent la Nation. Bien au contraire, sous le prétexte d’un plan d’urbanisation devenu subitement urgent, ils déploient avec froideur et détachement des mécanismes de violence étatique contre leur propre population, et ce, depuis plusieurs jours.
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Et pour justifier cette démarche peu responsable auprès de l’opinion internationale, les autorités en charge de ce dossier écument les plateaux de télévision, mais restent à ce jour incapables de fournir une quelconque trace physique et administrative d’indemnisation, en encore moins un effort de relogement organisé en faveur des déguerpis. Pire, le Ministre de l’Habitat et l’Urbanisme Ludovic Menié, semble exceller dans le dilatoire et le gain de temps, allant jusqu’à citer le nom d’un cabinet réputé, qui serait en possession de la liste de toutes les personnes indemnisées dans ces zones.
Interrogé sur l’effectivité des dédommagements et des compensations des familles impactées par ces déguerpissements, Ludovic Megne Ndong a déclaré sur Gabon 24 ce qui suit : « oui, je tiens à vous affirmer qu’il y a eu des compensations, des indemnisations sur ce site, plusieurs et je peux même dire à plusieurs reprises », a-t-il d’abord indiqué avec assurance. Puis il ajoute à titre d’illustration, mais visiblement confus « avant de venir sur le plateau, j’ai appelé le cabinet d’huissier qui a fait les indemnisations. Vous connaissez le cabinet de Maître BENGA qui a eu à faire des indemnisations auprès de ces populations, occupants de derrière l’Assemblée. Quand je l’ai appelé, il me disait qu’il était très loin et qu’il avait tous les éléments pour prouver qu’il a bien fait les chèques, qu’il a payé à tous ces gens qui, aujourd’hui ne reconnaissent plus avoir été payés », a-t-il poursuivi.
Répondant également à la question de l’effectivité de la traçabilité de ces paiements, le Ministre Megne Ndong a ainsi déclaré : « La traçabilité existe. Maître BENGA, je vous cite bien le nom, il m’a confirmé que dès mardi, il va m’apporter au niveau de mon cabinet tous les éléments, avec les chèques, tous ceux qu’il a payés, toutes ces personnes qui, aujourd’hui ne reconnaissent plus avoir été payés », s’est-il exclamé avec enthousiasme. Selon le ministère, ce seraient donc les populations qui feraient preuve de malhonnêteté, et non l’État, qui aurait veillé à rétribuer chacun de manière équitable.
Le démenti du cabinet BENGA
Fort de ces déclarations, Maître BENGA, refusant d’être cité comme complice de ces destructions infamantes, désastreuses et ne respectant pas la dignité humaine, a tenu à livrer sa version des faits, non sans rappeler le rôle qui fut celui de son cabinet dans la procédure d’indemnisation, tout en délimitant clairement le périmètre et le nombre de personnes ayant bénéficié d’une compensation. Il écrit à ce titre : « Je vous informe que l’étude BENGA avait été requis, courant 2008-2010, par la société SOCO BTP pour l’assister à l’identification des parcelles et du nombre d’habitants installés sur l’emprise située entre les ambassades de la Chine et du Liban uniquement », a-t-il déclaré en premier lieu. Maître BENGA ajoute, pour démontrer le caractère serein et paisible dans lequel s’était déroulée son intervention : « Cette étape conclue, j’ai ensuite procédé à la transmission des chèques émis par la société SOCO BTP aux ayants droits, qui ont libéré les lieux sans encombre », a-t-il renchéri.
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Et pour clore son propos, l’huissier de justice marque une démarcation implacable entre le moment de son action et l’opération inhumaine à laquelle se livrent les autorités actuelles pour déguerpir les concitoyens: « C’est dire succinctement que mon cabinet n’a été associé ni de près ni de loin à une quelconque opération qui a abouti à la destruction des habitations de derrière l’Assemblée nationale. Les pièces en ma possession font foi. Je reste convaincu que le Ministre n’a pas su apprécier la différence entre ces deux opérations. Voilà ma part de vérité dans cette rocambolesque histoire », a-t-il remarquablement conclu. Ainsi, selon ces déclarations, une interrogation limpide se dégage: Le Ministre Ludovic Megne Ndong aurait-il menti, pensant que le cabinet d’huissier BENGA, troquerait sa réputation pour sauver celle d’un Gouvernement agissant maladroitement ?
Le plus alarmant dans cette affaire est que le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, garant du bon fonctionnement de l’État et de la paix sociale, semble observer avec indifférence le chaos, la désolation et le désastre que les engins du Génie Militaire sèment dans ces zones. Ce silence pourrait non seulement être complice, mais également traduire une sorte de désamour et de désinvolture de ce dernier envers ces mêmes populations qui l’ont pourtant portées au sommet de l’État.