
Libreville, le 19 Mai 2026 – (Dépêches 241). Alors que l’opinion publique gabonaise attendait enfin que la vérité soit dite et les responsabilités établies sur les répressions sanglantes ayant endeuillé de nombreuses familles en 2016, le nouveau président de la République, chef de l’État, chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema, aurait unilatéralement choisi d’emprunter une voie contraire. En effet, il aurait permis à Ali Bongo Ondimba, principal acteur de ces événements, de quitter le territoire national pour un exil doré en Angola avec sa famille, à la suite de la libération provisoire controversée de son épouse, Sylvia Bongo Valentin, et de leur fils, Noureddin Bongo. Cette décision suscite de vives et légitimes inquiétudes quant à la volonté réelle du chef de l’État de faire du Gabon un véritable État de droit où règne la justice. D’autant plus que le départ du président déchu semble sceller définitivement la mise à mort de la vérité, sacrifiée sur l’autel des compromis politiques et des influences extérieures.
L’histoire politique du Gabon est jalonnée de multiples événements malheureux, souvent intervenus au lendemain des élections présidentielles. Cette navrante et malheureuse réalité s’est encore imposée au Gabon en 2016, après une élection présidentielle dont les tendances donnaient Jean Ping vainqueur. Mais contre toute attente, la Commission Electorale, Nationale, Autonome et Permanente (CENAP) en charge de l’organisation de l’élection et de la compilation des résultats fera d’Ali Bongo, président sortant d’alors, le vainqueur de l’élection.
Ce qui entraînera des émeutes lors desquelles les forces de l’ordre ouvriront le feu sur les populations mécontentes, entraînant ainsi plusieurs morts, notamment au moment de l’assaut donné au quartier général de Jean Ping. Depuis lors, aucune enquête ne semble avoir été menée, aucune justice rendue, ce, malgré la prise de pouvoir par les militaires le 30 août 2023 et les promesses du nouveau président Oligui Nguema d’une justice libre, indépendante impartiale et autonome. Le même qui vient d’exfiltrer Ali Bongo Ondimba vers l’Angola.
Neuf (9) ans après les tragiques événements post-électoraux de 2016 au Gabon, une page de l’histoire nationale reste obstinément non écrite. Ou plutôt, arrachée. Alors que les cendres des émeutes de 2016 sont encore tièdes dans la mémoire collective, un nouveau voile d’opacité s’abat sur le pays, cette fois sous le sceau du nouveau pouvoir tenu par le président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema. Lequel qui avait pourtant promis, haut et fort, de rétablir l’État de droit et le changement du pays.
Il déclarait à ce propos, lors de son passage à l’émission « 1 projet, 1 candidat » que « ce pays doit changer et il va changer. Les lois doivent être dures pour tout le monde. Et, c’est ça la Ve république ». Mais au grand désarroi de l’opinion publique gabonaise, en ce mois de mai 2025, la vérité s’est tue, et la justice semble avoir déserté le Gabon. Car la vérité sur la survenue de ces événements malheureux vient, elle aussi, de s’envoler avec le départ d’Ali Bongo Ondimba et sa famille en exil vers l’Angola.
Le 30 août 2023, le coup d’État ayant renversé Ali Bongo Ondimba avait fait naître un mince espoir : celui d’un sursaut républicain. Le général Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par une vague de soutien populaire synonyme du rejet du régime précédent, promettait la refondation de l’État, l’indépendance de la justice, la restauration des Institutions et surtout, la fin de l’impunité. Il se posait ainsi en homme providentiel, en homme d’autorité et de rigueur qui mettrait un terme à l’opacité politique et judiciaire, en particulier sur les drames passés, et particulièrement sur ceux de 2016, dont les victimes attendent toujours reconnaissance et réparation.
Mais ces engagements se sont vite effondrés, et compteront désormais parmi les vieux souvenirs sous le poids des réalités politiques. La récente libération de Sylvia Bongo Valentin, de son fils Noureddin, et leur départ du territoire aux côtés d’Ali Bongo Ondimba, sans procès, sans explication, sans vérité ni partage des responsabilités, a choqué une nation qui espérait enfin tourner la page dans la dignité et la restauration. Ce geste, orchestré dans le silence des institutions et dans le mépris des familles des victimes des répressions passées, sonne comme un abandon, une trahison, bref… un reniement des engagements des promesses d’antan.
Dès lors, comment parler d’indépendance de la justice lorsque ceux qui devaient rendre des comptes bénéficient d’une fuite hors du pays sans entrave ? Comment croire encore en l’État de droit lorsqu’aucune enquête sérieuse n’a abouti sur ces violences d’État de 2016 ? À quelles consciences veut-on faire croire que la paix s’achète au prix de l’oubli ? Comment croire au vœu d’une justice forte lorsque certains sont absous et graciés et que d’autres sont poursuivis sur la base d’accusations fictives ?
Une injustice participative aussi flagrante et répugnante, ne saurait être considérée ni comme un facteur de réconciliation, d’unité, et encore moins de stabilité politique et sociale. Au mieux, c’est une tentative désespérée d’effacer notre histoire commune, et l’expression affirmée d’un mépris éhonté de la mémoire des disparus et de leurs familles respectives. Une situation honteuse et indigne pour un pouvoir qui veut se draper d’une libération supposée.
Que l’on se comprenne bien, il ne s’agit pas ici de vengeance contre qui que ce soit, mais de justice. Une justice claire, impartiale, équitable. Une justice pour les morts, pour les blessés, pour les familles détruites par des années de répression politique et de manipulations institutionnelles. Le silence actuel est une insulte à leur mémoire, une trahison envers un peuple qui n’a cessé de réclamer la vérité.
Le président de la république, Oligui Nguema avait entre ses mains une opportunité historique: celle de redonner foi aux Gabonais dans leurs institutions. Il l’a laissée lui échapper dans les compromis. En sacrifiant la justice sur l’autel d’une stabilité politique supposée, le pouvoir actuel a choisi l’amnésie, la manipulation et oblitère volontairement le droit à une justice équitable pour chaque citoyen. Or, une nation sans mémoire ne construit pas l’avenir, elle le subit. Une situation qui discrédite et trahit la parole supposée sacrée du président de la république.
En conséquence, tant que justice ne sera pas rendue, tant que la vérité restera enfouie sous les calculs politiques, le Gabon ne pourra jamais panser ni guérir ses blessures, ses traumatismes et ses inconforts. Il est encore temps de faire preuve de courage. Car malgré le temps, la vérité attend. Et elle finira, tôt ou tard, par se frayer un chemin. Et quelles que soient les manœuvres qui sont faites pour empêcher son éclosion, elle finira par se faire entendre.