Affaire HPO: la jurisprudence invoquée par l’UDIS qui met dos au mur la justice et bientôt la Cour de Cassation

La formation politique fondée par HPO, a pendant sa dernière déclaration, fait montre d’une impressionnante maitrise du droit processuel en offrant à l’opinion, un argumentaire incassable sur la compromission de la justice Gabonaise et par ricochet, l’innocence de son leader ©MontageDépêches 241

Libreville, le 29 Mai 2025 – (Dépêches 241). Dans un communiqué incisif publié le 21 mai dernier, l’Union pour la Démocratie et l’Intégration Sociale (UDIS) a sorti l’artillerie juridique lourde pour défendre son leader Hervé Patrick Opiangah (HPO). Une déclaration qui, au-delà de son ton politique, révèle une maîtrise troublante du droit processuel gabonais et français, mettant en lumière des failles béantes dans la gestion judiciaire de cette affaire qui traîne depuis plus de six mois, en raison d’une justice qui se vautre désormais dans le dilatoire et dans l’interprétation de la loi non pas de façon impersonnelle, mais à la tête du client. 

Le coup de maître de l’UDIS réside dans sa capacité à mobiliser un arrêt de la Cour de cassation française de 1963 pour éclairer une situation gabonaise contemporaine. Cette décision de la Chambre criminelle du 27 novembre 1963 établit un principe fondamental : « le juge d’instruction avant de rendre une décision de non-lieu n’est pas tenu de procéder à l’inculpation ni même à l’audition de la personne visée dans l’acte de poursuite s’il lui apparaît, au vu des éléments de l’information et sans qu’il soit besoin de recevoir ses déclarations, que la culpabilité de cette personne se trouve d’ores et déjà exclue ».

Quand la jurisprudence française éclaire le droit gabonais

Cette jurisprudence française, historiquement influente sur le système judiciaire gabonais hérité de la colonisation, vient directement contredire l’argumentaire du Président de la Chambre d’accusation Ulric Arnold Nzoundou Bignoumba qui justifie le maintien des poursuites par le fait que M. Opiangah n’a pas encore été entendu par le juge d’instruction. 

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Mais c’est sur le terrain de l’égalité de traitement, et du sacro-saint principe du droit à un procès équitable, que l’UDIS porte son estocade la plus redoutable. Le parti politique établit un parallèle saisissant entre l’affaire Opiangah et celle de la famille Bongo. Là où Sylvia et Noureddin Bongo ont été libérés « en attente d’un procès » avec une instruction close depuis le 28 avril, HPO reste poursuivi malgré l’absence manifeste de charges, en dépit d’une procédure déclenchée sans plainte préalable et nonobstant le parjure du procureur et l’absence de victime. 

L’égalité devant la justice remise en question

Cette comparaison n’est pas anodine. Elle soulève la question fondamentale de l’égalité devant la justice, principe cardinal inscrit dans l’article 3 du Code de procédure pénale gabonais qui dispose que « toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n’est pas établie ».

Eddy Minang, Procureur Général, Bruno Mve Obiang, Procureur de la République auteur présumé du parjure, et Ulric Arnold Nzoundou Bignoumba, Président de la Chambre d’Accusation, ces magistrats Gabonais qui refusent de dire le droit dans l’affaire Hervé Patrick Opiangah ©MontageDépêches 241

L’analyse technique développée par l’UDIS révèle les contours d’un dossier qui semble effectivement fragile. Le parti évoque « l’inexistence de charges suffisantes », les « dénégations de la prétendue victime »  et même des « vices de procédure relatifs à la qualité de la partie plaignante ». Plus troublant encore, il fait état d’une plainte dont la date serait postérieure au déclenchement de l’action publique ( le procureur évoquait une plainte déposée le 14 alors que celle-ci n’a été déposée que le 25 novembre ) , ce qui constitue une irrégularité procédurale majeure. Dit autrement, un vice de procédure manifeste qui, si nous n’étions pas dans « un pays entièrement à part », suffirait à classer l’affaire. 

Un dossier juridiquement qui décrédibilise l’institution judiciaire 

La formation politique qui ferraille de sa plume depuis plus de 6 mois, va plus loin en affirmant que la présumée victime a été « placée en garde à vue pendant 5 jours pour obtenir un faux témoignage » et qu’elle a finalement « réfuté les faits allégués et porté plainte contre le diffamateur ». Des éléments d’une certaine teneur qui transformeraient radicalement en nullité toute procédure. 

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L’UDIS n’hésite pas à questionner l’indépendance même de la justice gabonaise, rappelant que « les magistrats du parquet [sont] placés sous l’autorité du garde des Sceaux qui peut leur donner des ordres ». Cette remarque, bien que technique, soulève implicitement la question de possibles influences extérieures dans cette affaire.

Des questions sur l’indépendance judiciaire

Le parti évoque également les mécanismes d’abstention et de récusation prévus par les articles 328 du Code de procédure civile et 526 du Code de procédure pénale gabonais, laissant entendre qu’il pourrait exister des conflits d’intérêts non déclarés dans cette affaire. Cette montée au créneau de l’UDIS, par sa précision technique et sa maîtrise des textes, annonce vraisemblablement une escalade judiciaire. Le parti politique, qui dénonce également la situation des 6500 salariés des entreprises de HPO , ne semble pas disposé à lâcher prise. Sa référence finale à Martin Luther King  « refuse de croire que la banque de la justice a fait faillite » sonne comme un ultimatum déguisé.

 Vers un bras de fer judiciaire ?

La Cour de cassation gabonaise qui a été saisi dans cette affaire par les conseils locaux du capitaine d’industrie, est contrainte de se prononcer sur des questions de procédure que l’UDIS a méticuleusement documentées. Une perspective qui pourrait transformer ce qui ressemble aujourd’hui à un imbroglio procédural en véritable test pour l’indépendance de la justice gabonaise.

Dans ce bras de fer qui s’annonce, l’UDIS a indéniablement marqué des points en démontrant une maîtrise juridique qui contraste avec l’image parfois approximative de la classe politique gabonaise. Reste à savoir si cette expertise suffira à faire plier une justice dont l’indépendance est ouvertement questionnée.

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