Gabon: la Transition ou le retour des barons du PDG sous un autre étendard 

Les visages bien connus de l’ancien régime font peau neuve sous le CTRI et son leader Oligui Nguema  © DR

Libreville, le 1er avril 2025 – (Dépêches 241). Sous couvert de renouveau et d’une prétendue inclusivité, la Transition gabonaise semble surtout marquer le retour en grâce d’anciennes figures du Parti Démocratique Gabonais (PDG). Jean François Ntoutoume Émane, Jean Eyeghe Ndong, Paul Biyoghe Mba, autant de noms qui rappellent l’ère d’Omar Bongo Ondimba puis de son fils Ali Bongo et qui, aujourd’hui, retrouvent une place de choix sous la bannière du Général Brice Clotaire Oligui Nguéma. Officiellement, ces vétérans de la politique sont appelés pour leur expérience, leur connaissance des rouages de l’État et leur prétendue capacité à assurer une Transition stable. Mais en réalité, leur retour soulève une question cruciale : cette Transition est-elle une véritable rupture ou un recyclage des méthodes d’un système qui a lamentablement échoué sous le prisme du Rassemblement National des Bâtisseurs ?

Jean François Ntoutoume Émane, ancien Premier ministre de 1999 à 2006, connu pour sa gestion conservatrice et son ancrage profond dans l’appareil d’État, est l’un des symboles de cette résurgence des élites du passé. De même, Jean Eyeghe Ndong, qui lui a succédé à la primature et fut un fidèle lieutenant d’Omar Bongo avant de se muer en opposant d’Ali Bongo, revient sur le devant de la scène avec une légitimité forgée dans les arcanes du pouvoir. Quant à Paul Biyoghe Mba, Premier ministre à l’époque de la Transition entre Omar et Ali Bongo, il a toujours su naviguer entre continuité et opportunisme politique. Ces trois hommes, pourtant éloignés un temps du cercle présidentiel, se retrouvent aujourd’hui en posture d’influence.

Ce retour des « barons » du PDG est d’autant plus frappant qu’il s’opère sous une rhétorique de rupture avec l’ancien régime. Oligui Nguéma, qui s’est présenté comme l’homme du changement après le « coup d’Etat » du 30 août 2023 qui n’a plus rien d’un « Coup de Libération », s’appuie pourtant sur des figures qui ont été des architectes du système qu’il prétend dépasser, qu’il a annoncé avoir déposé. Il est difficile d’ignorer les contradictions de cette démarche : comment justifier l’éviction d’Ali Bongo et de son entourage tout en réhabilitant ceux qui furent au cœur du pouvoir pendant des décennies, plongeant ainsi le pays dans un état de délabrement sans commune mesure ?

Pour beaucoup, ce grand retour est perçu comme un simple jeu de chaises musicales dans lequel les visages changent mais  les pratiques viles et infâmes demeurent. Si ces personnalités bénéficient encore d’une certaine assise politique et d’un réseau bien implanté, leur présence risque de cristalliser les critiques sur l’absence de renouvellement de la classe dirigeante gabonaise tel qu’annoncé par le Général-Président. Ce recyclage des anciens du PDG risque de miner la crédibilité du processus de Transition, notamment auprès d’une jeunesse en quête d’un véritable changement.

En définitive, la Transition semble bien loin de la révolution promise. Plus qu’un élan vers un avenir neuf, elle ressemble à une restauration maquillée, où les anciens barons du régime Omar Bongo retrouvent une place de choix sous un autre drapeau. Si Oligui Nguéma veut convaincre de sa volonté de rupture, il lui faudra démontrer qu’il ne s’agit pas d’un simple ravalement de façade, mais bien d’une transformation en profondeur des pratiques politiques au Gabon. 

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