
Libreville, le 2 avril 2025 – (Dépêches 241). Les annonces répétées par le CTRI sur la fin du gré à gré et la promotion des appels d’offres sont devenues des discours vides dans le contexte des marchés publics au Gabon. Malgré les promesses du gouvernement de transition, des entreprises comme Ebomaf et Karpowership continuent de récolter des contrats juteux sans aucune transparence. Derrière l’apparente volonté de réforme, le système reste fondamentalement figé, avec des milliards de FCFA attribués sans que l’opinion ne sache réellement ce qui se cache derrière ces accords. Et les exemples de ces deux entreprises révèlent bien plus qu’une simple faiblesse de gouvernance : ils illustrent un phénomène systémique d’opacité et d’inefficacité dans la gestion des fonds publics.
Ebomaf, un géant de la construction au Gabon, semble être devenu un acteur incontournable dans les grands projets d’infrastructure du pays. Pourtant, l’ascension fulgurante de cette entreprise se fait à coup de contrats massifs, souvent attribués sans appel à la concurrence. Le cas le plus marquant reste celui de la gestion de la CNNII (Compagnie Nationale de Navigation Intérieure et Internationale), un projet colossal pour lequel l’entreprise s’est arrogée des droits exclusifs sans aucune forme de mise en concurrence.
Ce silence assourdissant sur les conditions d’attribution de tels contrats suscite bien des interrogations : comment justifier de telles sommes sans transparence ? « La question de la compétence et de l’intégrité des entreprises n’est jamais posée, et ça, c’est un problème majeur », déclare un expert en gestion publique. D’autant plus qu’ Ebomaf a implicitement été pointé du doigt par la Cour des Comptes au Sénégal.
Le cas de Karpowership est tout aussi frappant. Ce fournisseur d’électricité flottante, qui a signé un contrat de plusieurs milliards de FCFA pour approvisionner le pays en énergie, a bénéficié de conditions d’attribution opaques. Au lieu de passer par des appels d’offres ouverts, le gouvernement a opté pour une procédure de gré à gré. Les chiffres exacts du contrat restent flous, mais le montant dépasse largement les attentes initiales, et ce, sans garantie de qualité ou d’efficacité. « Le Gabon est un marché ouvert, mais ces décisions fermées n’ont fait qu’alourdir la dette publique et freiner toute évolution », critique un analyste financier. Là encore pour une entreprise épinglée par la Cour des Comptes au Sénégal.
Ce manque de transparence alimente un cercle vicieux d’inefficacité et de dépenses excessives. Ces pratiques aggravent la situation financière du Gabon, déjà fragilisée par des emprunts et des engagements externes colossaux. En 2023, plus de 250 milliards de FCFA ont été consacrés à des marchés publics en gré à gré, représentant un poids lourd pour les finances publiques. Pourtant, la qualité des projets reste à prouver, et l’impact visible pour les Gabonais est quasi nul. « Si nous continuons dans cette direction, nous allons non seulement appauvrir les générations futures, mais aussi enfoncer encore plus le pays dans une crise de confiance » , prévient un économiste international.
Le gouvernement, tout en clamant son engagement à assainir la gestion publique, semble plus intéressé à maintenir des pratiques qui favorisent une poignée d’entreprises. Pourtant, une véritable réforme passe par l’introduction de règles strictes et de mécanismes de contrôle rigoureux. La poursuite des contrats en gré à gré, l’absence d’appels d’offres transparents, et l’absence de clarification sur les montants réels des contrats ne font que compromettre les réformes nécessaires pour moderniser le pays. L’urgence n’est plus de faire des promesses, mais de rendre des comptes et d’instaurer un processus de gouvernance qui redonne de la crédibilité et de la confiance aux Gabonais.