
Libreville, le 20 mai 2025 – (Dépêches 241). La surprenante libération provisoire de Noureddine Bongo Valentin et de sa mère Sylvia Bongo Valentin, suivie de leur exil discrètement autorisé vers l’Angola par le Chef de l’État Brice Clotaire Oligui Nguema, a sonné comme un coup de massue pour la conscience collective gabonaise. En réaction, l’association « Réconciliation », regroupant les victimes des tragiques événements post-électoraux de 2016, a organisé une manifestation pacifique hier matin devant le Palais de Justice de Libreville. Objectif: protester contre une décision jugée inique, en faveur de personnalités influentes, alors que les victimes, elles, n’ont jamais bénéficié du moindre traitement de faveur.
La devanture du Palais de Justice de Libreville puis celle du ministère de tutelle a ainsi servi de cadre à cette manifestation menée par des membres de l’association « Réconciliation ». Cette mobilisation fait suite à la libération conditionnelle de Sylvia Bongo Valentin et de son fils Noureddine Bongo, incarcérés depuis près de vingt mois après le coup d’État du 30 août 2023. Ils étaient poursuivis pour des faits graves : haute trahison, faux et usage de faux, détournement de deniers publics, trafic de stupéfiants, entre autres. Les manifestants dénoncent une justice à deux vitesses, qui protège les puissants tout en ignorant les plus vulnérables. Selon nos confrères de la rédaction de Gabonactu.com, Aïcha Tsoumbou, présidente de l’association « Réconciliation » a déclaré : « Nous aussi, nous méritons une prise en charge médicale », a-t-elle d’abord annoncé.
Les autorités judiciaires justifient cette libération provisoire par des raisons de santé, dûment constatées par le médecin-chef de la prison centrale de Libreville, et corroborées par le médecin militaire Jean-Raymond Nzenze de l’hôpital des Instructions des Armées Omar Bongo Ondimba. Le Procureur Général a précisé que la procédure judiciaire suit son cours. Mais les manifestants rejettent catégoriquement cet argument, estimant que les Bongo ont bénéficié d’un traitement de faveur, contrairement aux victimes de 2016, toujours ignorées par la justice. Beaucoup d’entre elles portent encore les séquelles physiques et psychologiques de ces violences, sans aucune prise en charge médicale ou soutien psychologique.
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Ils appellent donc le Président Oligui Nguema à tenir ses promesses, en l’occurrence protéger le peuple et garantir sa dignité. La présidente de l’association a d’ailleurs exprimé son incompréhension face à cette parodie judiciaire. Elle s’interroge: « Pourquoi avoir mis en détention Sylvia Bongo et Noureddine, alors qu’Ali Bongo, le principal artisan de ces massacres, continuait de se pavaner librement ? », s’est-elle questionnée.
Ce déséquilibre suscite la frustration et la colère d’une population qui, après le coup d’État militaire, espérait une justice équitable et une refondation morale du pays. « À ce jour, nous avons adressé des lettres à la Présidence, à la Cour Constitutionnelle, au Ministère de la Justice pour rappeler notre situation. Mais trop, c’est trop. Comment comprendre que l’ex-président quitte le pays librement alors que nous, les victimes, souffrons en silence ? Ce qui se passe actuellement dans le pays est révoltant », conclut une autre victime.
C’est donc à juste titre que ces compatriotes, survivants d’un moment funeste de l’histoire du Gabon, se sont sentis obligés de manifester leur désarroi devant le Palais de Justice. Ils estiment que cette décision a été prise sur ordre du Ministre de la Justice, lui-même obéissant à une directive du Président de la République. Selon eux, il est temps que le Président Oligui Nguema donne le ton. L’heure n’est plus aux arrangements discrets. La Ve République doit se construire dans un climat de confiance et d’exemplarité, incarné par un Chef d’État juste, et non dans une ambiance de défiance et de méfiance envers un pouvoir perçu comme complice ou complaisant des horreurs du passé.