Affaire Opiangah : Quand la justice plie sous le joug de l’exécutif, l’État de droit vacille

 Quand le juge devient un  simple exécutant du pouvoir ? © Dépêches 241

Libreville, le 10 Juin 2025 – (Dépêches 241). Au Gabon, la justice, censée être le pilier de l’État de droit, semble aujourd’hui réduite à un simple instrument entre les mains de l’Exécutif. L’affaire Hervé Patrick Opiangah en est la démonstration la plus éclatante et la plus inquiétante. Ce dossier, qui aurait dû être une procédure judiciaire ordinaire, s’est transformé en un feuilleton politico-judiciaire où la justice joue un rôle tragiquement biaisé, au point de perdre toute crédibilité.

Une justice à plusieurs vitesses, ou comment la loi se plie aux intérêts du pouvoir

Le rejet de la demande de non-lieu déposée par les avocats d’Hervé Patrick Opiangah par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Libreville a ravivé les soupçons d’une justice à plusieurs vitesses. Le motif invoqué — la non-comparution de l’intéressé devant le doyen des juges d’instruction — paraît non seulement incongru mais aussi artificiel. Un magistrat membre du Syndicat National des Magistrats du Gabon (SYNAMAG) qui s’est ouvert à notre confrère de l’Objectif n’hésite pas à qualifier ce motif de « prétexte sans valeur » destiné à maintenir des poursuites vides de fondement.

En effet, le dossier Opiangah est jonché d’irrégularités : absence de plainte initiale, défaut de qualité du plaignant, date erronée de dépôt de la plainte, absence totale de preuves tangibles, et même réfutation des faits par la présumée victime. Le procureur de la République lui-même s’est rendu coupable de parjure, ce qui aurait dû suffire à clore l’affaire et à la classer sans suite. Pourtant, la justice gabonaise persiste dans cette procédure, comme si elle avait reçu pour consigne de ne pas lâcher sa proie.

L’indépendance judiciaire, simple illusion dans les dossiers sensibles

L’affaire Opiangah où quand la justice s’enlise dans le non-droit © Dépêches 241

Les magistrats eux-mêmes dénoncent cette situation. Selon un membre du SYNAMAG, « l’indépendance de la justice gabonaise est une vue de l’esprit dès qu’il s’agit de dossiers sensibles liés aux intérêts politiques ». Il révèle que les magistrats reçoivent parfois des instructions directes du sommet de l’Exécutif, transformant la justice en un outil de persécution politique. Les responsables des juridictions ne seraient souvent que de simples exécutants des ordres venus d’en haut, sacrifiant ainsi les principes fondamentaux d’un État de droit.

Cette instrumentalisation de la justice s’inscrit dans une triste continuité. Sous la Ve République gabonaise, les procès politiques ne sont pas une relique du passé mais une réalité persistante. L’affaire Opiangah illustre parfaitement cette dérive où la justice est détournée pour régler des comptes politiques, au détriment de la vérité et de la justice.

Une justice aux ordres qui fragilise la République

La libération controversée de Sylvia Bongo et de son fils Noureddin Bongo Valentin, contrastant avec le maintien des poursuites contre Opiangah, illustre encore davantage cette justice à géométrie variable. Cette décision, prise sous le visa du Président de la République, renforce la perception d’une justice qui agit sur ordre politique, plutôt que dans le respect des règles et des droits.

Une justice dévoyée et instrumentalisée qui se vautre dans la dilatoire selon l’UDIS, formation politique de l’homme d’affaires © Dépêches 241

Les magistrats eux-mêmes semblent conscients de cette impasse. Selon le syndicaliste interrogé par notre confrère de l’Objectif, « les magistrats attendent l’ordre du Chef de l’État pour déclarer un non-lieu, arrêter les poursuites et permettre un retour sécurisé d’Hervé Patrick Opiangah ». Cette situation est révélatrice d’un système judiciaire qui a perdu son autonomie et sa capacité à dire le droit sans pression extérieure.

Conséquences dramatiques pour l’image du Gabon

Cette ingérence manifeste de l’Exécutif dans les affaires judiciaires porte un coup fatal à la séparation des pouvoirs, principe fondamental de toute démocratie. Elle discrédite non seulement le système judiciaire gabonais, mais ternit aussi l’image du Gabon sur la scène internationale, notamment en matière de gouvernance et de respect des droits fondamentaux.

L’immixtion de l’Exécutif dans cette procédure se donne à lire dans son déclenchement et les actes posés par la force publique © Dépêches 241

Le pays se retrouve ainsi prisonnier d’une justice aux ordres, incapable de garantir un traitement équitable et impartial des dossiers, surtout lorsqu’ils touchent aux cercles du pouvoir. Cette dérive autoritaire pourrait fragiliser la confiance des citoyens dans leurs institutions et compromet l’avenir démocratique du Gabon.

Une  justice à reconquérir

L’affaire Hervé Patrick Opiangah est plus qu’un simple dossier judiciaire : elle est le symbole d’une justice gabonaise en crise, soumise à des pressions politiques qui la dénaturent. Pour restaurer la confiance et réaffirmer l’État de droit, il est urgent que la justice retrouve son indépendance, que les magistrats puissent exercer sans crainte ni pression, et que la séparation des pouvoirs cesse d’être un vain mot.

Sans cela, le Gabon risque de s’enliser dans une spirale où la justice devient un instrument de pouvoir, et où les principes démocratiques s’effritent au profit d’intérêts partisans. La balle est désormais dans le camp du Président de la République et des autorités judiciaires : oseront-ils relever ce défi vital pour la Nation ?

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