Visite inopinée des déguerpis de Plaine-Orety: Oligui Nguema, pyromane de jour, pompier de nuit?

La visite inopinée du président de la République hier nuitamment, au chevet des déguerpis a été perçue par une partie de l’opinion, comme une tentative de rachat infructueuse semblable à un homme qui revient sur les décombres d’un chaos qu’il a orchestré ©DR

Libreville, le 16 juin 2025 – (Dépêches 241). Depuis le 2 juin 2025, les bulldozers de l’État ont semé la désolation, les larmes et la peine dans plusieurs quartiers populaires de Libreville: Plaine-Orety, derrière l’Assemblée Nationale, ainsi que les zones jouxtant les ambassades de Chine et de Russie. Des milliers de familles gabonaises se sont retrouvées brutalement à la rue, sans solution de relogement, exposées aux intempéries, à la maladie à l’insécurité et à une précarité soudaine. Face à ce drame social, le Président Oligui Nguema avait d’abord choisi de se murer dans un silence glacial et insouciant, laissant la colère populaire ainsi que la détresse sociale s’accumuler, sans un mot, sans un geste. Puis, à la surprise générale cette nuit, il a fait une descente sur les lieux. Une visite que certains analysent aujourd’hui comme un besoin de restaurer son image plutôt que par véritable souci de la détresse des populations. 

Dans l’opinion publique gabonaise, l’indignation s’est généralisée depuis que les autorités actuelles ont ordonné le déguerpissement et la démolition de plusieurs quartiers populaires de Libreville. C’est dans ce contexte d’indignation croissante qu’une visite surprise du Chef de l’État, dans la nuit du dimanche 15 au lundi 16 juin, est venue bousculer le narratif officiel. 

Après avoir affirmé dans une communication précédente qu’aucun sinistré n’avait été trouvé sur les lieux lors d’une visite nocturne, la Présidence s’est retrouvée contredite par une série d’images et de vidéos virales diffusées sur la toile et faisant constater la présence des compatriotes allongés et vivant à la belle étoile. La sortie d’hier, montrant Oligui Nguema échangeant avec lesdites familles, dormant à même le sol, au milieu de leurs vies et investissements, détruits et piétinés sans état d’âme, est venue mettre la communication présidentielle devant le miroir déformant de leur fausse réalité. 

Lors de cette descente, le Président aurait laissé un franc symbolique, un geste qui se veut empathique, mais qui sonne surtout pour ses détracteurs comme une aumône dérisoire face à l’ampleur du drame, face à la détresse des populations et aux vies brisées par les « Bulldozers de la 5e République ». Alors qu’il avait promis redonner la dignité aux Gabonais, le régime qu’il dirige et dont il est du reste, le premier responsable, a fait choix d’orchestrer l’affalement et la dégradation des investissements des populations.

Une décision prise au mépris de la loi et de la dignité humaine pour en dernier ressort, revenir tel un médecin après la mort, tenter de la restaurer avec quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Le tout au milieu des décombres, et du spectacle désolant des Gabonaises et Gabonais déshérités, contraints d’errer à la belle étoile tels des parias en raison de l’amateurisme de la gouvernance erratique de leur hôte du soir. 

L’image du Président de la République au milieu des décombres n’est pas seulement indécente, elle traduit surtout le cynisme effarant d’un régime qui n’a pas hésité à humilier, détruire les vies de ceux qui leur ont donné le mandat de gouvernance. Un régime qui, au motif d’un développement urbain, a en premier lieu, fait le choix de briser des repères de milliers de familles et de leurs enfants, a réduit en cendres et en gravats les efforts et la sueur de plusieurs générations de compatriotes en effaçant par ailleurs les mémoires de ces dernières. 

Brice Clotaire Oligui Nguema aurait promis, à titre personnel, d’évaluer ce qu’il pourrait faire pour les sinistrés. Une démarche qui questionne, car elle semble dissocier la figure présidentielle de celle de l’État, alors même que les destructions auraient été ordonnées par les plus hautes autorités. Comment comprendre que celui qui gouverne au nom de l’État agisse comme un bienfaiteur privé pour réparer les dégâts causés par l’État lui-même ?  C’est un non-sens. Une insoutenable hérésie. 

Ce paradoxe renforce une critique récurrente depuis son arrivée au pouvoir: ce mode de gouvernance, qui s’apparente davantage à un pouvoir patrimonial qu’à un État de droit, fragilise la crédibilité de ses engagements. Cette visite inopinée, loin d’apaiser les tensions, a laissé perplexe. En apparaissant sur les lieux sans annoncer de mesures concrètes et pérennes de relogement ou d’indemnisation, Oligui Nguema a donné l’impression d’un Président hors sol, plus soucieux de sa communication que du bien-être réel des populations.

Pire encore, cette sortie semble traduire que les démolitions ne sont ni des dérapages ni des abus isolés, mais bien l’expression assumée d’un projet politique: celui de remodeler la capitale gabonaise même au prix de l’exclusion sociale, de la détresse sociale et au mépris des lois et des droits fondamentaux. 

Dans cette tentative de rattraper le coup, le Président se retrouve pris au piège de ses contradictions et de ses précipitations. La présence nocturne de Brice Clotaire Oligui Nguema parmi les sinistrés illustre parfaitement l’image d’un dirigeant qui souffle le chaud et le froid: pyromane de jour pour certains, pompier de nuit pour d’autres. Ce double jeu, habillé de promesses et de gestes théâtraux, ne saurait tromper indéfiniment une population de plus en plus consciente des enjeux de la situation qui est la leur.

Le temps du mépris est révolu, et chaque image prise dans l’obscurité vient éclairer un peu plus les zones d’ombre d’une gouvernance qui vacille entre goût du secret, approximation, communication opportuniste et clochardisation sans remords des ses compatriotes.

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