
Libreville, le 10 Juillet 2025 – (Dépêches 241). Le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguéma n’a pas mâché ses mots à Washington en pointant du doigt Eramet, le géant minier contrôlant la Comilog à Moanda. Interrogé sur la récente décision d’interdire l’exportation de manganèse brut à partir de 2029, il a taclé l’entreprise passée, selon lui, d’« acteur national » à relais français préoccupé par ses intérêts avant ceux de l’industrie gabonaise. Cette tirade peu diplomatique devant la délégation américaine, a déclenché un véritable tollé dans les milieux économiques.
Rappelant la mesure gouvernementale votée le 30 mai, le chef de l’État a affirmé que le Gabon refuse désormais de céder ses minerais bruts sans transformation et ce dès 2029. Une posture nationaliste qui vise, dit-il, « à créer des usines, des emplois et des revenus équitables ». Mais il accuse également Eramet de freiner ce développement, en refusant selon lui de s’engager sérieusement dans des projets de transformation locale, préférant continuer à exporter ses bénéfices à l’étranger. « Nous voulons transformer le Manganèse localement que vous achetez par l’intermédiaire d’une entreprise appelée Eramet. Je suis sûr que c’est plus cher que ce vous pourriez acheter directement chez nous », a lancé Brice Clotaire Oligui Nguema.
Eramet, de son côté, tente de calmer le jeu. L’entreprise, première au Gabon avec plus de 700 milliards de FCFA de chiffre d’affaires, a souligné qu’elle « continuerait de travailler avec l’État dans un esprit de partenariat constructif et de respect mutuel », rappelant sa présence historique et ses investissements massifs dans Comilog et Setrag, ainsi que dans les infrastructures industrielles. Rien n’y fait : la colère présidentielle est restée intacte, faisant apparaître Eramet comme un obstacle au nouveau cap souverainiste.
Face à ce bras de fer ouvert, Oligui Nguéma a lancé un vibrant appel aux entreprises américaines, les encourageant à saisir les opportunités de la filière manganèse. « Si les États‑Unis ne viennent pas, d’autres viendront », a-t-il prévenu, reprenant un refrain déjà entendu. Une invitation bien agressive, qui dépasse la simple diplomatie pour flirter avec la provocation, alors que Washington reste très intéressé par les matières premières stratégiques africaines.
Ce discours sonne comme une rupture. En confrontant publiquement une entreprise clé de l’économie gabonaise et en défiant les règles diplomatiques classiques, Oligui Nguéma assume un virage résolument opportuniste. Le geste sera-t-il payant ? Rien n’est moins sûr. Entre souveraineté proclamée et dépendance affichée, le Gabon joue une carte pour le moins risquée, espérant que les Américains répondront à l’appel plutôt que les Français, Chinois ou Russes. Réussir ou échouer à transformer son manganèse, c’est potentiellement décider de l’avenir économique du pays.