Réforme institutionnelle au Gabon : bienvenue dans la Ve République, ou l’art subtil de changer pour que rien ne change

Photo de famille au terme du séminaire national sur la réforme institutionnelle ©Dépêches 241

Libreville, le 7 août 2025  – (Dépêches 241). La capitale gabonaise a été le théâtre d’un séminaire national de haut vol les 5 et 6 août 2025, organisé sous l’égide du Ministère de la Réforme et des Relations avec les Institutions, et avec un généreux coup de pouce de l’Union européenne et d’IDEA International. Autour de la table, un casting prestigieux : la Présidente du Sénat, quelques ministres, des parlementaires, des juristes experts en palabres constitutionnelles, et bien sûr les partenaires techniques, tous réunis pour discuter… de la réforme institutionnelle qui va faire éclore la fameuse Ve République gabonaise.

Le Ministre François Ndong Obiang a fait dans le grandiloquent en ouverture, rappelant que ce moment est un « tournant crucial » et qu’il est temps de « bâtir des institutions plus solides, plus équitables et respectueuses des principes démocratiques ». On sent le poids de l’histoire, en effet, il ne s’agit pas de simplement modifier quelques paragraphes de la Constitution mais de penser une « nouvelle architecture institutionnelle » (comprenez : une nouvelle maison avec les mêmes meubles mais repeinte en blanc cassé). Le tout avec pour socle le « changement de mentalités », car, dit-il, « le changement durable passe d’abord par la manière dont nous pensons ». Fascinant rappel que la révolution commence dans les têtes, notamment dans les années d’expérience à accumuler avant de renverser l’ordre établi.

Le Vice-président du gouvernement, Alexandre Barro Chambrier, est venu souligner que cette Ve République est « un nouveau contrat social » et que la Constitution adoptée fin 2024 n’est en rien une réforme technique, mais la traduction d’une « volonté populaire » en faveur d’une gouvernance « plus juste, plus responsable, plus transparente ». Une formule magique qui, espère-t-on, couvrira aussi le très classique « plus proche des aspirations du peuple gabonais ». Apparemment, le séminaire serait un lieu de « pédagogie républicaine », autrement dit un déjeuner-dînatoire pour se convaincre mutuellement du bien-fondé des changements annoncés.

L’Union européenne, dans son rôle habituel d’ange gardien des démocraties en construction, a réaffirmé son soutien loyal (sans être prescriptif, bien entendu), avec un chèque conséquent de 2,5 millions d’euros pour épauler la réforme, et pas moins de 30 millions dédiés à la modernisation d’infrastructures clefs comme le Transgabonais. De quoi montrer que la Ve République, ce n’est pas qu’une idée dans les têtes, c’est aussi du flouze bien réel.

Du côté pratique, cette nouvelle Ve République supprime la fonction de Premier ministre pour confier la coordination gouvernementale à un vice-président, et crée des organes inédits tels qu’un contrôle général de l’État et une coordination stratégique des projets présidentiels, histoire de donner un air de modernité à une gouvernance qui, en pratique, s’appuie toujours sur le charisme indiscutable du Président Brice Clotaire Oligui Nguema, élu en avril 2025 avec un mandat tonitruant et une confiance populaire totale, selon le ministre François Ndong Obiang.

Bref, le Gabon trace sa voie vers une Ve République dont la recette ressemble à s’y méprendre à d’autres républiques du monde : changement des règles, nouveau vocabulaire, beaucoup de promesses de « justice », « progrès » et « responsabilité », un zeste de pédagogie institutionnelle, le tout fertilisé avec le soutien financier et technique des partenaires internationaux. On espère juste que cette fois, le changement sera moins un cycle éternel de réformes à la mode qu’une vraie révolution tranquille sous le regard bienveillant de la communauté internationale. Affaire à suivre, avec un stylo prêt à noter chaque nouvelle version du « renouveau institutionnel »

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