Gabon: l’harmonisation des coefficients ou la soupe pédagogique au mixeur national

Le Gabon invente la recette magique où toutes les matières se valent, se mélangent et se neutralisent © DR

Libreville, le 4 septembre 2025 – (Dépêches 241). Il fallait y penser. Vraiment. Dans le grand concert des nations, le Gabon, toujours en quête d’harmonie, a décidé de s’attaquer à la source de toutes les dissonances : le désordre cacophonique des coefficients scolaires. Finie l’époque archaïque où les Mathématiques dominaient la scène comme une diva capricieuse, où le Français s’énonçait en maître des élégances et où l’Histoire-Géographie racontait des histoires sans savoir si elles comptaient vraiment. Place à l’ère de la sauce unique, du smoothie éducatif où toutes les matières se valent, se mélangent et, surtout, se neutralisent.

La philosophie est aussi simple que géniale : pourquoi se prendre la tête avec des hiérarchies de savoirs ? Un théorème de Pythagore, une règle de grammaire, une date de bataille napoléonienne ou un lancer de poids, au fond, n’est-ce pas la même chose ? C’est de la connaissance, un point c’est tout. Alors, messieurs-dames les experts en pédagogie, sortez le mixeur ! On y jette pêle-mêle les équations différentielles, la poésie de Senghor, la photosynthèse et les règles du volley-ball. On mixe à pleine vitesse. Le résultat ? Un délicieux coefficient uniforme, une purée lisse et homogène qui évite à l’élève gabonais de se poser des questions existentielles du genre « mais à quoi ça sert, la philosophie, si c’est coef. 2 ? ».

L’élève de demain sera un être équilibré, apaisé, libéré du stress du choix. Plus besoin de se dire « je suis fort en dessin, mais faible en maths, je suis foutu ». Désormais, être fort en dessin compense exactement, mathématiquement, être faible en maths. La beauté de la chose est presque troublante. Le génie civil de demain pourra ignorer superbement la résistance des matériaux, pourvu qu’il ait une note honorable en musique. Le futur économiste pourra mépriser les lois du marché s’il excelle en gymnastique. On appelle ça une vision holistique, ou peut-être juste un immense nivellement par le bas, c’est selon le coefficient que vous accordez à votre lucidité.

Les parents, d’abord perplexes, se réjouissent : finis les casse-tête pour orienter leur progéniture. Puisqu’il n’y a plus de matière reine, il n’y a plus de voie de garage. Tous les chemins mènent à… un même diplôme, aussi plat qu’une page blanche. Les professeurs de sport, longtemps relégués au rang de simples animateurs de cour de récré, frottent leurs sifflets avec une lueur nouvelle dans les yeux. Enfin, leur cours sur le passing en triangle a le même poids spécifique que la lecture des Cahiers d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire. N’est-ce pas là le signe d’une société enfin réconciliée avec elle-même ?

Bien sûr, quelques esprits chagrins, des nostalgiques de la complexité, osent murmurer. Ils parlent de « disparition des excellences », de « négation des talents individuels », voire de « fabrique du médiocre ». Mais que peuvent leurs voix grincheuses face à la grande machine à uniformiser ? Leur raisonnement est, par essence, inégalitaire : il suppose que certains savoirs sont plus structurants que d’autres. Quelle vieille idée !

Le Gabon, lui, regarde vers l’avant. Il invente l’école de l’après-différence, le lycée sans aspérité, le système où l’on ne distingue plus l’arbre de la forêt parce qu’on a coupé tout ce qui dépassait. Un modèle qui, n’en doutons pas, fera école. Bientôt, le monde entier viendra admirer cette performance : avoir réussi à faire de l’éducation non plus un ascenseur social, mais un tapis roulant, confortable et silencieux, qui mène tout le monde exactement au même endroit : nulle part, mais ensemble.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*