Libreville le 14 mars 2020 – ( Dépêches 241 ). La sortie de l’opposant Jean Ping, les réactions puis les événements qui s’en sont suivis ont fait naître chez les analystes politiques, l’idée que les mots du candidat malheureux à la dernière élection présidentielle ne sont peut être pas fortuits et hasardeux. Tout se passe comme si on avait susurré à l’homme d’Omboué, que les soutiens de la communauté internationale qu’il quémande à tue tête depuis 6 ans seraient enfin disposés à l’aider dans la quête d’un pouvoir pour l’heure totalement illusoire.
Dans une sortie mi février, Jean Ping contre toute attente, sans contexte particulier, a effectué une déclaration publique dans laquelle il appelait à la déclaration de la vacance du pouvoir. « Je demande aux institutions habilitées par la Constitution, de déclarer la vacance du pouvoir » avait-il déclaré. Une nécessité car pour l’ancien président de la commission de l’Union africaine (UA), « il faut absolument mettre un terme à ce régime barbare et organiser le départ, sans délai, d’Ali Bongo ».
Mieux, quelques jours après cette sortie à la surprise générale, la très réputée chaîne française France 24 a accordé une interview de près d’une quinzaine de minutes à Jean Ping. Interview pendant laquelle dans une sournoiserie et un soupçon de fourberie, le journaliste Marc Perelman a emmené le candidat malheureux à se montrer offensif en lui demandant s’il est prêt à utiliser « la force ou la violence » pour arriver à ses fins. Réponse de Jean Ping. « Nous le dégagerons d’une manière ou d’une autre (…) car Ali Bongo partira du pouvoir d’une manière ou d’une autre avant » a-t-il déclaré.
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Un langage et un champ lexical de la violence et de la guerre que le candidat unique de l’opposition à la dernière élection présidentielle, a jusque-là réprouvé ou du moins brandit avec prudence. De quoi s’interroger sur l’origine de la confiance abrupte et instantanée dont fait montre Jean Ping. Toute chose qui amène à penser que la sortie de l’ancien baron du régime d’Omar Bongo Ondimba est loin d’être saugrenue et « dénuée de sens » telle que moquée par le porte-parole du président de la République Jessy Ella Ekogha.
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C’est du moins l’avis de Télesphore Obame Ngomo, journaliste et analyste qui souligne à juste titre que quand la France se prête au jeu de la mise en lumière d’un opposant à un régime, c’est que son positionnement a peut-être évolué. « Lorsqu’on choisit le journaliste Marc Perelman, qu’on réécoute la froideur des questions posées par ce dernier à Jean Ping et lorsque la chaîne de télévision France 24 offre une aussi longue tribune au principal adversaire politique d’Ali Bongo, c’est que des lignes diplomatiques ont sérieusement bougé », indique t-il dans sa tribune Débat Missele Eba’a.
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Mieux, dans ce libre propos intitulé « Jean Ping et le feu orange », le nouveau président de l’Organisation Patronale des Médias (OPAM) indique qu’au regard des évènements, « le feu orange semble avoir été donné à Jean Ping pour en découdre avec le pouvoir en place à Libreville. En d’autres termes, Jean Ping a enfin obtenu en 2022 le soutien des forces multiples qui lui ont manqué en 2016 », pense t-il.
Autant dire que l’analyse de Télesphore Obame Ngomo n’est pas dénuée de sens au regard du comportement de la presse hexagonale vis-à-vis du régime de Libreville.
Notons par exemple, le fait que Médiapart, très réputé en France, a de façon étrange, exhumé l’affaire des « Bien mal acquis » sous le titre « La charge d’un juge d’instruction français contre le président du Gabon ». Une remontée à la surface d’une affaire pour ne rien révéler de nouveau, si ce n’est pour radoter toutes les informations notoirement connues de ce contentieux déclenché en 2007 sous le règne de feu président Omar Bongo Ondimba à l’époque déjà en bisbille avec l’Elysée. Fait notable toutefois, Dominique Blanc le juge d’instruction chargé de l’affaire a nommément cité pour le première fois, le président de la République Ali Bongo Ondimba en l’indexant sur ses acquisitions sur le sol Français.
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Pour abonder dans le même sens, on peut citer comme autre exemple, le fait que dans l’affaire Brice Laccruche Alihanga, le porte-parole de la présidence de la République Jessy Ekogha Ella, ait été convoqué par la justice française aux fins de s’expliquer sur la teneur de l’affaire concernant le « le messager intime ». C’est assurément au regard de tous ces éléments et en appuie de ses prétentions que Télesphore Obame Ngomo estime que « l’intervention de l’ancien président de la commission de l’Union africaine est une alerte rouge maximale à prendre très au sérieux » a-t-il écrit dans sa tribune.
Est-ce pour cette raison que le pouvoir en place s’est hâté de remanier son gouvernement au allure d’équipe de campagne ? Est-ce pour ce fait que l’état-major du PDG a subi une refonte presque totale par la nomination d’un nouveau secrétaire général ? Est ce que pour cette raison que la levée des mesures barrières réclamée à corps et à cri depuis plus d’une année par les populations a été effectuée ? Est-ce pour cette raison que le candidat naturel, le distingué camarade Ali Bongo Ondimba s’est clairement positionné pour 2023 le 12 mars dernier ?
Dans tous les cas, le timing de tout ce chambardement au sein de l’exécutif a de quoi intriguer. Sans doute, comme le présume Télesphore Obame Ngomo, le régime de Libreville a pris « très au sérieux » cette sortie de Jean Ping.