Affaire Santullo: Comment le Gabon a fait annuler sa condamnation à payer 90 milliards au groupe italien

La Cour d’Appel de Paris a annulé la décision condamnant le Gabon à payer au Groupe Santullo Sericom en faisant la démonstration des irrégularités dans le dossier  ©DR

Libreville le 11 avril 2022 – ( Dépêches 241). La Cour d’Appel de Paris a rendu le mardi 5 avril dernier, une décision annonçant l’annulation de la condamnation du Gabon par la justice française visant à payer 90 milliards au groupe Santullo Sericom. Une annulation rendue possible par les arguments de la défense gabonaise qui a révélé et mis à nu, avec maestria, les irrégularités et les violations flagrantes de la loi dans le cadre de cette affaire de marchés publics entre l’Etat du Gabon et le groupe dirigé par Guido Santullo. 

Le 19 novembre 2019, la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale, dans l’affaire des marchés publics d’une valeur de près de 400 milliards de FCFA qui oppose l’État du Gabon au groupement Santullo-Sericom condamnait la république gabonaise, à payer au groupement italien 90 milliards de FCFA. Montant représentant la dette liée à l’exécution de ces marchés passés entre 2010 et 2012, et 11 milliards de FCFA d’intérêts de retard. Soit au total 101 milliards FCFA. 

Trois mois après, soit le 12 février 2020, le Gabon a saisi la Cour d’Appel de Paris et introduit un recours en annulation de la condamnation de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale. Pour faire prospérer cette saisine de la Cour d’appel, les conseils de l’Etat gabonais ont souligné plusieurs anomalies dont le fait que ces marchés ont été majoritairement surfacturés et obtenus par la corruption. 

Sur le fait des prétentions de la partie gabonaise, la juridiction française a été intriguée par le fait que « sept de ces marchés ont été signés par Magloire Ngambia soit comme ministre de l’Économie du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme ou en qualité de ministre de la Promotion des Investissements, des Travaux publics, des Transports, de l’Habitat et du Tourisme, chargé de l’Aménagement du Territoire », a-t-elle indiqué. Un cumul de fonctions qui fait clairement présumer le conflit d’intérêt chez ce membre du gouvernement qui a finalement été condamné pour détournement de biens publics et corruption entre autres dans cette même affaire.  

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En outre, la Cour d’Appel de Paris a constaté à la lumière d’une expertise réalisée par le cabinet Gauff et François Pinchon, président d’honneur de la compagnie des experts agréés auprès de la Cour de cassation française et expert judiciaire près de cette même Cour que « l’ensemble de ces marchés a été conclu par voie d’ententes directes (sans appel d’offres ou de mise en concurrence) et pour des prix supérieurs à la moyenne pour des marchés comparables de 16% à 79% » 

Enfin, prenant appuie sur le rapport de l’Agence nationale d’investigation financière gabonaise du 17 mai 2017, sur la note de la direction générale de l’économie et de la politique fiscale du Gabon du 2 août 2018, auxquels se sont greffés des courriers et témoignages, analyse des comptes bancaires, témoignages des employés du groupe Santullo mais surtout l’ordonnance du 11 novembre 2021 de la procureure fédérale du ministère public de la Confédération helvétique, la cour a fini par conclure que Magloire Ngambia avait signé ces marchés contre des rétrocommissions versées à la fois en espèce et en nature. 

C’est en appuie de ces faits et de ces éléments apportés par la partie gabonaise que la Cour d’Appel de Paris va se prononcer par le truchement d’un argument phare de cette décision. « Il ressort de l’ensemble de ces éléments un faisceau d’indices suffisamment graves, précis et concordants pour entacher la conclusion et l’exécution des marchés publics, auxquels la sentence arbitrale donne effet, de corruption. Dès lors, la reconnaissance et l’exécution de cette sentence en France, susceptibles d’avoir pour effet de faire bénéficier le groupement Santullo du produit d’activités frauduleuses, sont de nature à violer de manière caractérisée l’ordre public international », soutient la décision.

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