C’est le constat accablant et désolant fait par l’opinion depuis la mission d’exfiltration de leur collègue lancée par les forces de Police nationale à la prison centrale de Tchibanga pour sortir de force un des leurs pourtant en détention préventive pour des actes pénalement punissables. Près d’une semaine après, ces événements d’une gravité extrême, Lambert Noël Matha ministre de l’Intérieur ne s’est toujours pas exprimé. Silencieux et flegme sur la question, le 1er policier du Gabon n’est visiblement pas dérangé par le fait que des actes de guérillas soient posés par des agents de son administration. S’il a tenté de se rattraper pendant l’émission «Face à vous» devant les questions des journalistes, l’homme est globalement resté aphone sur un sujet aussi important.
« La République des Délinquants », la formule utilisée par la l’hebdomadaire La Loupe est forte de café mais résume assez bien ce vers quoi tend perfidement le Gabon. Les causes ? Un gouvernement inepte et inapte à cerner les véritables problématiques d’un État qu’il administre sans égard, comme son bien, oubliant qu’il est par ailleurs débiteur d’une obligation vis-à- vis du peuple, celle de rendre des comptes notamment.
Les faits sont les suivants, le dimanche 25 juillet un commando lourdement armé estimé selon plusieurs confrères à 40 éléments de la police Nationale embarque avec une artillerie de guerre et des véhicules 4×4 tout terrain pour Tchibanga, chef lieu de la province de la Nyanga avec une mission à l’esprit. Exfiltrer leur frère d’arme, Patrick Moubogha, chef d’antenne des services de la Documentation et de l’immigration (DGDI) placé sous mandat de dépôt quelques jours plutôt par le procureur, Illicth Ndjeme Benga pour coups, blessures et voies de faits sur autrui pour une affaire risible de poisson à la braise.
Une fois sur les lieux, le commando passe à l’action et somme les responsables de la prison centrale de Tchibanga de procéder à la libération du commandant avant de le récupérer et de regagner Libreville, la capitale. C’est sur le chemin du retour que « le commando ayant commis l’opération a été stoppé dans la Ngounié par l’infanterie militaire de Mouila. Composé d’agents des FPN de Mouila, Tchibanga et Mayumba », nous révèlent nos confrères de GabonActu. Autant dire que dans un scénario catastrophe, les deux corps auraient pu s’affronter et faire des nombreuses victimes. Un véritable remake du film « Mission Alcatraz » du célébrissime acteur américain Steven Seagal.
L’attitude de Lambert Noël Matha, d’ordinaire loquace sur les sujets d’intérêt général et étrangement muet comme une carpe, face à cette affaire qui secoue la République depuis le 25 juillet, interpelle à bien des égards. D’abord par son caractère impotent. Tout se passe comme si le ministre d’Etat était impuissant devant cet évènement qu’il tente par son inertie, de faire passer comme un acte isolé. Par son aspect laxiste et antirépublicain ensuite, car la non-réaction du premier flic gabonais donne l’impression que « le Gabon est un Far West. Pour ceux qui ont le pouvoir et les armes, il suffit d’être victime d’un acte pour se faire justice soi-même », souligne La Loupe dans sa parution du 28 juillet 2021 n° 514.
En se vautrant dans un silence Lambert Noël Matha a-t-il la conviction qu’il est en train « de remplir consciencieusement les devoirs de sa charge dans le strict respect de ses obligations » qu’il l’avait juré au moment de prêter serment après son entrée au gouvernement ? Certainement pas. Plusieurs questions depuis cette affaire émergent dans l’esprit de l’opinion sans trouver des réponses. Des réponses qu’aurait pu apporter « Petit Papa Noel » s’il décidait de s’exprimer. Mais diantre pourquoi le gouvernement refuse t-il de s’exprimer sur cette question essentielle de sécurité publique pour rassurer les Gabonais ? Que nous cachent-ils ? Qui donc a commandité l’opération commando ayant procédé à l’assaut de la prison de Tchibanga ? Comment se sont-ils procurés les armes et les véhicules 4×4 y compris le carburant pour le trajet ?
Ce sont là des interrogations royalement ignorées par le ministère de l’Intérieur qui consacrent l’idée qu’au Gabon, un esprit de guérilla règne dans notre armée et que n’importe qui peut se lever, prendre des armes, aller violer l’autorité de l’Etat et mettre en danger la vie d’autrui sans que cela n’émeuve notre gouvernement. « Le silence du ministre de l’Intérieur, Lambert-Noël Matha devant des événements aussi graves ayant entraînés une situation d’insécurité dans les provinces de la Nyanga et de la Ngounié, le membre du gouvernement est resté muet comme une carpe de l’Ogooué. Pas un mot alors que la situation commandait son intervention pour ramener de l’ordre dans ce cafouillage », souligne également la Cigale Enchantée dans sa parution du Mercredi 28 juillet 2021 n°37.
« Qui ne dit mot consent » est un adage populaire qui s’impose comme l’une des références en termes de consentement et d’acceptation tacite d’un fait ou d’une situation. En République gabonaise, cette posture est devenue anormalement normale, tant cet état de fait s’est installé, avec fatalisme, dans la conscience sociale des Gabonais qui constatent médusés le silence assommant de l’Etat et des membres du gouvernement sur ce Raid de la prison centrale de Tchibanga.
De quoi donner raison à Jean Ping qui, sur les évènements de Ndangui à peu près dans le même esprit que ceux de Tchibanga avait dans un tweet évoqué « l’Illustration d’une nouvelle faillite de l’Etat livré à des pratiques mafieuses ». La formule cette fois-ci n’est vraiment pas osée.