Libreville le 5 août 2022 – (Dépêches 241 ). Le procès « de la gouvernance du pays » a connu son premier acte le 20 juillet dernier avec la présentation de Christian Patrichi Tanasa devant la cour criminelle spéciale. Depuis hier 3 août, c’est Renaud Allogho Akoue accusé d’avoir détourné 600 millions qui est devant la justice gabonaise. Une justice qui a sciemment mis un voile sombre devant ses yeux sur les révélations de Patrichi Tanasa et les suspicions de détournement pesant sur Arnaud Calixte Engandji, un ancien BLA-Boys non assumé, lequel aurait distrait plus 45 milliards FCFA pendant son passage à la GOC.
Fonctions similaires naguère, même mentor, idéologie politique commune, mais fortunes diverses. La trajectoire prise par certains BLA-Boys et le sort qui leur est réservé comparativement à celle de leurs congénères à de quoi surprendre. Si avant l’ouverture des procès des lieutenants de Brice Laccruche Alihanga devant la Cour criminelle spéciale pour être jugés des faits de détournements et de blanchiment de capitaux, il était peu évident de faire ce constat, ce dernier est encore plus évident depuis les révélations ayant émané de ce procès. En l’occurrence celui de Christian Patrichi Tanasa, ancien administrateur directeur général de Gabon Oil Company.
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Le 20 juillet devant les juges de la Cour criminelle spéciale, l’un de tous proches collaborateurs de Brice Laccruche Alihanga s’est ouvert en mettant sur la place publique des informations de nature à confondre Arnauld Calixte Engandji, ancien directeur de la GOC. Ce dernier a notamment révélé à la cour qu’à son arrivée, l’entreprise dont il est devenu le gérant était déficitaire d’un montant de 42 milliards. « Ayong Kondje, sur insistance de la Cour, va dire que de 2016 à 2018, il y a eu une perte de 42 milliards. Le nom d’Arnaud Engandji est abondamment cité comme ancien Directeur de ladite structure. Il n’a jamais été entendu sur cette affaire de 42 milliards… », a indiqué SOS Prisonniers présent à l’audience.
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Dans le même ordre d’idée et toujours pendant la gestion de l’ancien ministre Travaux Publics et de l’aménagement du territoire, des montants frauduleux auraient été présentés par ce dernier pour l’achat du siège de la GOC. « Les immeubles avaient été achetés par son prédécesseur à 9 milliards plus 3 milliards des travaux. Mais quelques temps après, la nouvelle équipe se rend compte que les immeubles commencent à se dégrader rapidement. Un expert de l’Anuttc est donc venu faire l’expertise, qui a révélé que la vraie valeur de ces immeubles est de 3 milliards », a-t-on pu lire.
Pire dans une lettre adressée à la justice gabonais et à ses compatriotes, Christian Patrichi Tanasa est revenu sur le passage de son prédécesseurs et son appétence pour les détournement des fonds en révélant notamment que « Sous Arnauld Engandji des opérations non identifiées et sans aucune pièce de plus de 40 milliards FCFA ont été effectuées ». Inexplicablement, la cour criminelle qui pourtant juge les BLA-Boys pour détournement des fonds, blanchiment des capitaux entre autres, est restée stoïque devant ces aveux quand bien même Tanasa a précisé que « ces faits sont objectifs et vérifiables, et même vérifiés ».
Des informations particulièrement alarmantes qui sous d’autres cieux, dans un pays sérieux auraient mis en branle les autorités judiciaires par le truchement du principe de l’opportunité des poursuites et les procédures y afférentes, aux fins de poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir commis lesdites infractions. Dans le cas d’espèces, il s’agit en l’occurrence de l’ancien membre du gouvernement Arnauld Calixte Engandji Alandji dont les suspicions consomment amplement les infractions de détournement de fonds, blanchiment des capitaux, concussion. Des chefs d’accusation pour lesquels Patrichi Tanasa et Ike Ngouoni ont été respectivement condamnés à 12 ans puis 8 ans de prison de réclusion criminelle.
Renaud Allogho Akoue soupçonné d’avoir détourné 600 milliards est depuis hier devant la cour criminelle après avoir passé 3 ans en détention préventive. Il subira certainement, sans grande surprise le sort de ses anciens frères d’armes. Arnaud Calixte Engandji soupçonné d’avoir détourné 42 milliards est paradoxalement en liberté sans aucune once de procès ou de poursuite. « Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice ». Cette assertion de Montesquieu illustre parfaitement, la configuration dans laquelle s’est vautrée la justice gabonaise avec Brice Laccruche Alihanga et Cie piétinant de ce fait, sans remords, le principe à valeur constitutionnelle d’égalité de tous les individus devant la justice.