Bulletin unique du CGE: illégalité, inconstitutionnalité et soupçons de félonie 

Le bulletin unique du CGE semble être une fumisterie © montage Dépêches 241

Libreville, le 9 août 2023 – (Dépêches 241). Introduit le 1er août dernier, en remplacement de l’enveloppe accolée, le bulletin unique avait été faussement présenté par le Centre Gabonais des Élections (CGE) comme une volonté de matérialiser les revendications de l’opposition et par ricochet d’asseoir l’esprit de la concertation politique, dont l’objectif était d’établir les conditions d’une élection aux lendemains apaisés. Une facétie qui n’a pas pu prospérer à l’épreuve de l’analyse, car en plus d’avoir érigé cette innovation de façon irrégulière en plein processus électoral, le bulletin unique tel que pensé par Michel Bonda and Cie est une argutie secrétée en violation de loi électorale, en dérogation du principe de la séparation des pouvoirs tout en étant, de façon apparente, frappée du sceau de la felonie. 

La désignation de Michel Stéphane Bonda au poste de président du Centre Gabonais des Élections (CGE) en février dernier avait suscité une levée de bouclier de la part de l’opposition et de la société civile, lesquels s’étaient, à juste titre, insurgés contre l’élection controversée de ce proche et fidèle d’Ali Bongo Ondimba, en ce qu’elle ne garantissait pas la promesse d’une élection juste et transparente. En ce qu’elle avait été entérinée en violation de l’article 12 alinéa 7 du code électoral, qui en substance nous apprend que seuls peuvent faire acte de candidature à la fonction de Président du Centre Gabonais des Élections, « les hauts cadres de la Nation reconnus pour leur probité, leur intégrité morale, leur honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur impartialité ». Des valeurs et des vertus qui ne transpirent pas sur la personnalité de Michel Stéphane Bonda.  

Plusieurs mois après l’installation de cet ancien membre du gouvernement, ce qui se présentait comme un truisme en février dernier, prend forme et conforte toutes les prétentions et prémonitions de l’opposition à quelques jours du scrutin. Dans une récente sortie, Michel Stéphane Bonda a présenté l’introduction du bulletin unique comme un nouvel outil de facilitation du système électoral. En se vautrant dans des nuances sémantiques, cet ancien conseiller du président sortant a fait fie de préciser aux Gabonais, que ce qu’il présente comme un bulletin unique est en réalité ce qu’on appelle prosaïquement un ticket, un vote unique. 

Illégalité manifeste !

Dans les faits, comme l’a d’ailleurs si bien mentionné un média pro-pouvoir, le bulletin unique contraint l’électeur à faire le choix entre deux élections. Il prive ainsi certains électeurs de voter librement pour les deux candidats de leur choix à la présidentielle et aux législatives. Une approche qui viole la lettre et l’esprit de l’article 94 de la loi électorale qui indique « Le choix de l’électeur est libre. Nul ne peut être influencé dans son vote par la contrainte », nous apprend t-elle. Mieux, l’article 5 de la Constitution issu de la loi n°01/94 du 18 mars 1994 nous enseigne que « la République gabonaise est organisée selon les principes de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ». 

Les textes susmentionnés, du reste très éloquents sur le sujet, font asseoir l’idée que la loi fait une distinction claire entre l’élection du président de la République et celle du député. La nouvelle trouvaille du CGE pose donc à bien des égards, plusieurs écueils. Elle pose un problème d’inconstitutionnalité en ce qu’elle contrevient de façon grossière au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. Elle pose un problème de légalité car en plaçant l’électeur dans une configuration où il lui est impossible de choisir son président et son député, elle viole le principe de la liberté de vote tel que consacré dans le code électoral. 

Inconstitutionnalité avérée ! 

L’exécutif étant séparé du législatif, le ticket unique aurait pu être un processus crédible dans un contexte où on il était question d’élire un Président de la République et son vice-président comme ce fut le cas en mars 1967 avec le ticket Léon Mba-Albert Bongo. Il était là question en ce temps du même pouvoir. Celui de l’exécutif. À contrario, un ticket exécutif-législatif ne peut donc légalement prospérer, car aucune disposition constitutionnelle ou législative ne prévoit que le candidat à l’élection du Président de la République se présente avec un candidat engagé dans des élections législatives comme colistier.

Dans un pays où le vote par proximité familiale ou clanique est une assuétude, l’inspiration du CGE cache très difficilement le dessein dissimulé qui est de profiter de cette sympathie militante pour tenter de faire élire Ali Bongo Ondimba. On peut ainsi s’avancer sans risque de nous tromper que le processus imposé par le CGE semble taillé sur mesure pour faciliter la tâche au candidat PDG. En lui offrant cette configuration singulière par son adaptation au cas susmentionné, le régime, par la voix du Centre Gabonais des Élections dont on soupçonnait la partialité, altère les caractères de la règle de droit censée être mise en place par conviction et non par iniquité et chauvinisme.

Félonie certaine ! 

In fine, l’érection du bulletin unique par le CGE bien que conscient que celui-ci introduit une contrainte de vote en faveur d’un candidat, tout en créant une confusion entre les pouvoirs exécutifs et législatifs, brille par son caractère facétieux et incompréhensible. Incompréhensible tant l’impertinence du CGE qui a initié ce processus électoral à l’aporie certaine est criarde. Incompréhensible, tant il est inimaginable que Michel Stéphane Bonda et sa suite aient pu méconnaître la substance des articles 94 du Code électoral et la disposition 5 de la Loi Fondamentale. Lesquels consacrent pourtant, avec clarté, le principe de Liberté de vote et de la séparation des pouvoirs. 

Conscient de son caractère arbitraire, de son antinomie notoire au regard des caractères de la règle de droit, l’obstination du CGE à imposer le bulletin unique, pour ne pas dire inique, est révélatrice de l’esprit de celui-ci : Félon, illégal et inconstitutionnel par essence. Toute chose qui ne devrait pas favoriser la tenue d’une élection calme et apaisée telle que souhaitée par le président de la République, Chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba réduit à lier son destin aux députés de sa formation politique pour obtenir le droit de présider aux destinés du Gabon pour les 5 prochaines années.

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