Modification des lois à convenance personnelle: Oligui Nguema dans le même costume d’Ali Bongo Ondimba ?

Le président de la Transition à rebours des promesses faites semble s’engager dans le même chemin tortueux et épineux que son prédécesseur ©Dépeches241

Libreville, 13 mai 2024 – (Dépêches 241). Déposé par l’armée en août dernier, le régime déchu symbolisé par Ali Bongo Ondimba avait érigé en crédo la transgression, la violation et l’interprétation partisane de la loi. Des habitudes décriées dont on pensait qu’elles disparaîtraient avec l’avènement au pouvoir des militaires du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI). Des espoirs rapidement douchés maintenant que les Gabonais constatent ahuris, que Brice Clotaire Oligui Nguema semble revêtir le même costume que son prédécesseur, dans un zeste de despotisme en érigeant et en transgressant parfois des lois pour convenance personnelle. 

« Si veut le roi, si veut la loi » est une doctrine ancienne du droit français, qui admettait l’idée supposée qu’une loi accéderait au droit positif par la seule volonté de l’autorité publique. Dit autrement, on octroyait au roi un hypothétique et imaginaire pouvoir discrétionnaire de modifier la règle de droit au plaisir de son bon vouloir. Plusieurs mois après l’arrivée au pouvoir du CTRI et du Général-Président Brice Clotaire Oligui Nguela, certains textes de lois revêtent cette spécificité qui flirte dangereusement avec cette doctrine au relent autoritariste. 

En janvier dernier, le Gouvernement par le biais du Conseil des Ministres modifiait l’article 40 de l’ordonnance n° 007/2010 du 25 février 2010 portant Statut Particulier des Militaires, ratifié par la loi n° 18/2010 du 27 juillet 2010, octroyant ainsi le droit aux officiers supérieurs et généraux de souscrire à l’option polygamique du mariage. À cette époque et sans risque de se tromper, d’aucuns dans l’opinion subsumaient déjà que cette réforme était motivée par la seule volonté du Président de la Transition d’ouvrir la voie à une future union légale aux fins de donner à une potentielle seconde femme les privilèges et honneurs dues à une première dame. 

Quelques mois seulement après la modification de cette ordonnance, Brice Oligui Nguema, sans déjouer les pronostics, a finalement convolé en juste noce, confortant l’idée non saugrenue d’une modification des textes réglementaires à convenance personnelle. Cette façon de faire n’est pas sans rappeler la manœuvre insidieuse initiée par Ali Bongo en 2015, une année avant l’élection présidentielle d’août 2016 pour tenter de mettre fin au débat sur sa filiation. 

Effluves du régime Bongo-PDG

Ce dernier avait fait adopter le 11 août 2015 par le biais d’une ordonnance une disposition dans dont voici la lettre: « Quiconque sans droit ni titre, sans qualité à agir, a par quelque moyen que ce soit, remis en cause la filiation légitime, naturelle ou adoptive d’autrui, en dehors des cas où, le père légitime, a avant sa mort, engagé une action en désaveu de paternité, est puni d’un emprisonnement de 5 ans au plus, et d’une amende de dix millions de francs (…) ». On peut le dire sans ambages, cette loi faite à dessein tendait clairement à enterrer et à occulter toute critique sur le sempiternel débat relatif aux origines de l’ancien Président la République. 

Une approche qui contrevient grossièrement à l’esprit de légitimation d’une loi. L’art législatif s’attache à un certain nombre de fondements. Principes desquels découle, entre autres, la notion de « loi ». Il convient de s’avancer avec circonspection sur la modification d’une telle loi, sur sa nature et sur la pertinence de celle-ci cependant amputée des préceptes qui la garantissent. 

Tout juriste ne peut ignorer le caractère général, abstrait et impersonnel de la règle de droit. La règle de droit se doit d’être générale en ce sens qu’elle ne s’intéresse pas aux cas d’espèce. Elle ne saurait trancher en faveur d’un individu en particulier. Elle doit avoir vocation à s’appliquer de façon uniforme à l’ensemble des individus de la société. En deuxième lieu, la loi est dite abstraite. L’abstrait s’oppose ici au concret. L’abstrait peut donc exprimer une idée, un concept. 

Transgression et interprétation partisane de la loi 

À l’inverse, le concret suppose l’expression d’une réalité déterminée. Une loi se doit d’être nécessairement abstraite, elle permet une application plus large. En la rendant trop précise, on oublierait inévitablement un cas ou une situation et il faudrait, en conséquence, de cela, ajouter des nouvelles lois au cas par cas. Plus la loi est abstraite, plus elle aura vocation à s’appliquer sur une infinité de cas précis. Enfin, la loi est par essence impersonnelle. Elle ne s’attache pas à un individu en particulier mais à tous les justiciables se trouvant dans une situation donnée. Toute chose qui s’oppose fondamentalement à l’esprit de la modification de l’ordonnance n° 007/2010 du 25 février 2010 portant Statut Particulier des Militaires. 

Cette modification de la loi à convenance personnelle s’est encore exprimée dans une plus grande perversion par la transgression de l’article 35 de la Charte de la Transition qui avait connu une interprétation quelque peu partisane. En violation du principe juridique du parallélisme des formes qui consacre l’idée selon laquelle une décision administrative prise sous une certaine forme ne peut être retirée, abrogée, annulée ou modifiée qu’en respectant les mêmes formes, les fonctions de Ministre de la Défense, et de l’Intérieur jusque là dévolues dans la charte au Président de la Transition ont été illégalement dévolues à Brigitte Onkanowa et Herman Immongault. Acculé par les critiques découlant de cette violation des textes, Brice Oligui Nguema s’était finalement résolu de façon rétroactive à modifier la Charte de la Transition pour tenter de corriger sa Transgression. De là à se poser la question de la question s’il s’agit vraiment d’un coup de libération alors que les viles pratiques de l’ancien régime perdurent. 

Il y a quelques jours, c’est en parfaite violation des recommandations du Dialogue National Inclusif qu’une conclusion de ces assises fortement critiquée a été appliquée sans que celle-ci  fasse l’objet d’une adoption par référendum comme cela a été convenu. Un autre fait grave et marquant de la volonté du CTRI, de braver la volonté du Peuple et de violer la parole donnée. Par ces applications et modifications partisanes des textes, le CTRI par la plume de la Chancellerie altère les caractères de la règle de droit censée être mise en place par conviction et non par complaisance comme le faisait déjà en son temps Ali Bongo Ondimba. 

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