Suppression des partis politiques au sein des Commissions électorales: Quid de leur droit à participer à l’expression du suffrage ?

En violation de l’article 6 de la Charte de la Transition le gouvernement a supprimé la présence des partis politiques au sein des commissions électorales ©AfricaPresse

Libreville, le 15 Mai 2024 – (Dépêches 241). L’arrivée au pouvoir du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) a suscité, à n’en point douter, de grands espoirs et fantasmes de tous genres chez les populations, de voir enfin le Gabon entrer dans le cercle des Nations libres et démocratiques, suivant en ce temps les annonces faites par les nouvelles autorités du pays. Seulement, à l’épreuve des faits, les espoirs semblent être douchés chaque jour qui passe, au regard des nombreuses décisions prises par le CTRI qui semblent abîmer les maigres acquis démocratiques hérités du régime déchu : c’est le cas de la suppression des Partis politiques au sein des commissions électorales au profit des acteurs institutionnels et des ministères techniques, décidée en Conseil des Ministres de ce mardi 14 mai 2024.

Sous le CTRI, le Gabon serait-il en train de se muer progressivement en « démocrature »,  ce régime hybride entre démocratie et dictature ? C’est la question que peuvent raisonnablement se poser aujourd’hui les observateurs assidus de la vie politique gabonaise, au regard des nombreuses dispositions prises par les nouvelles autorités, visant à écarter du jeu démocratique libre les formations politiques et leurs leaders.

Porté et défendu en Conseil des Ministres par Hermann Immongault, Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, le projet de loi modifiant et supprimant certaines dispositions de la loi N° 07 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques se heurte aux dispositions de l’article 6 de la Constitution toujours en vigueur et reprise par la Charte de la Transition en son article 6, indiquant tous deux que « les Partis politiques et les regroupements de Partis politiques, légalement reconnus, concourent à l’expression du suffrage ». La décision de suspendre ou supprimer les Partis politiques des commissions électorales serait donc une atteinte irréfutable à la démocratie, d’autant plus que ni la Constitution en vigueur, ni la Charte de la Transition ne prévoient la suspension, la suppression ou la dissolution des Partis politiques légalement reconnus.

Toute chose qui invite à questionner avec nuance les desseins poursuivis par le CTRI à travers cette décision, car rien à ce jour ne donne une indication précise sur les garanties de sincérité, d’intégrité, de probité et d’impartialité des acteurs institutionnels ainsi que des agents des ministères techniques qui vont être choisis, quand on connaît la promiscuité que plusieurs d’entre eux entretenaient il y a peu avec le régime déchu, et l’alliance idyllique et partisane que certains semblent avoir noué avec le CTRI aujourd’hui.

À dire vrai, et ce objectivement, une telle décision n’apporte pas de réponses claires aux craintes du CTRI sur la sincérité d’un scrutin. Bien plus qu’une fuite en avant, c’est surtout une transgression manifeste d’un autre principe démocratique fondamental. Le CTRI gagnerait, pour espérer un résultat plus crédible, à revoir son casting en nommant des personnes neuves au lieu s’acoquiner des personnalités dont la crédibilité est entachée du fait de leur proximité connue avec l’ancien ordre.

Maintenir un ministre de l’ancien régime déchu au logiciel bien connu et espérer en retour des résultats différents est soit une profonde hyporcrisie, soit une naïveté innommable. Et au regard du pedigree des militaires au pouvoir, la seconde hypothèse a peu de chance de prospérer. 

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