Libreville, le 18 septembre 2024- (Dépêches 241). La récente sortie médiatique de Jean Delors Biyogue donne à penser, car elle dit autant sur la qualité de nos hommes supposément intellectuels que sur l’élite dirigeante actuelle. Alors qu’on pensait l’entourage du Président de la Transition, le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema au travail et en volonté de l’aider à mener à terme l’œuvre de restauration de la République annoncée, la réalité nous oblige à constater que nombre d’entre eux, et notamment les plus illustres de ses collaborateurs sont préoccupés au maintien d’un ordre socio politique qui favorise la continuité et tout ce qui la caractérise, au point de travestir l’histoire en s’appuyant sur des arguments jugés par beaucoup fallacieux pour tenter de légitimer un projet constitutionnel qui semble liberticide et exclusif.
Au premier abord et selon toute convenance, l’opinion avait considéré et admis que la présence d’intellectuels supposés et d’anciens opposants au régime déchu aux côtés du Président de la Transition participait d’une volonté de restauration de la dignité collective et d’équilibre des pouvoirs au sein du cabinet présidentiel. Mais visiblement rien n’y fait, puisque la force d’esprit que nécessite pareille posture semble désormais leur manquer parce que au voisinage de l’éclaircie.
Sinon on aurait du mal à comprendre pourquoi, dans une récente déclaration qui a suscité l’indignation sur les réseaux sociaux, Jean Delors Biyogue, un intellectuel gabonais, a affirmé en mondovision sur le plateau de TV5 Monde une contre-vérité effarante en indiquant que « pour la première fois dans l’histoire constitutionnelle du Gabon, il y a une intangibilité (…), non seulement, qui limite le nombre de mandats mais aussi qui garantit l’alternance politique au Gabon ». Cette affirmation, loin d’être fondée, semble indiquer que son auteur méconnaît ou fait fie de méconnaître les faits historiques et juridiques relatifs à l’histoire politique de son pays, le Gabon.
Jeter un regard au rétroviseur de l’histoire constitutionnelle du Gabon permet de se rendre compte que plusieurs constitutions ont été adoptées en fonction des évolutions politiques et des circonstances historiques. Depuis 1961, au lendemain des indépendances, le Gabon a eu sa première constitution qui établissait un mandat présidentiel de sept ans, sans limitation de renouvellement. Avec l’impulsion du vent de l’Est et sous la pression du Peuple gabonais, mobilisé pour exiger des réformes démocratiques, une nouvelle constitution a été adoptée en 1991, au sortir de la Conférence Nationale. Cette constitution fixait par ailleurs, la durée du mandat présidentiel à cinq ans, renouvelable une fois. C’était un pas important vers la démocratisation du pays. L’esprit de cette Constitution de 91 a d’ailleurs inspiré la charte de la Transition mise en place par les militaires au pouvoir pour servir de base dans le projet de reconstruction des institutions du pays.
Inexistence d’un texte interdisant la Candidature du Général-Président: une argutie signée Jean Delors Biyogue?
Entre 2003 et 2011, l’ivresse du pouvoir et la cupidité ont conduit les régimes d’Omar Bongo et d’Ali Bongo ensuite à rétablir le mandat de sept ans, renouvelable, permettant ainsi aux présidents en place de prolonger leur règne et fermer la porte à toute possibilité d’alternance au sommet de l’Etat. Du moins, du vivant des chefs d’Etat en place.
Autre incongruité et non des moindres, soutenue par l’ancien candidat aux dernières élections présidentielles, est cette affirmation sur l’inexistence d’un texte qui empêcherait le Président de la Transition Brice Oligui Nguema d’être candidat aux prochaines élections présidentielles. Cette affirmation pour le moins déconcertante et ahurissante, venant qui plus est, d’un ancien cadre des Nations Unies, tombe véritablement sous le sens. Comment un intellectuel supposé de ce rang peut-il ignorer les dispositions de l’Union Africaine en la matière à travers le Protocole de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adopté en 2007 ? Pour sa gouverne, cette charte dont le Gabon est signataire nous enseigne sans ambiguïté en son article 25 que « Les dirigeants qui ont pris le pouvoir par des moyens non constitutionnels ne peuvent pas être candidats aux élections ».
C’est là une disposition qui bat en brèche les prétentions de l’ancien cadre des Nations Unies. En prétendant que le Gabon n’a jamais eu de constitution limitant les mandats présidentiels et qu’aucun texte n’empêche le Président de la Transition d’être candidat, Jean Delors Biyogue Semble non seulement ignorer les faits et les textes en vigueur, mais s’est indécemment vautré pendant cette interview, dans une sortie de minimisation de l’importance des luttes pour la démocratie qui ont eu lieu au Gabon. En réalité, ces propos sonnent plus que mal. Ils semblent traduire par ailleurs de manière relativement claire, la volonté du palais de désinformer et travestir la vérité pour en faire des instruments de légitimation du plan politique du Général-Président, l’essentiel reste ailleurs.
D’un homme de la trempe de Jean Delors Biyogue on pouvait toujours espérer mieux. De son expérience aux Nations Unis et des belles promesses nées de son projet de société d’août 2023, on aurait espéré qu’il soit parmi ceux des collaborateurs du Chef de l’Etat qui aident de leurs conseils avisés le Président-Général à redonner son sens véritable à la Transition au moment où elle est de plus en plus perçue comme une arnaque politique et une imposture politique. Le débat actuel autour de la constitution montre clairement un mouvement vers des inquiétudes légitimes sur les aptitudes du pouvoir actuel à garantir un avenir démocratique serein. Au-delà du béton qui coule dans tout le pays, ce sujet qui a toujours été au cœur des préoccupations des citoyens gabonais et qui a fait couler tant de sang dans ce pays ne peut être traité avec autant de légèreté, de frivolité et de désinvolture.
Un premier exercice raté et frappé du sceau de la fumisterie ?
À ce qui semble, Jean Delors Biyoghe s’entraîne peut-être à devenir une alternative chargée de la riposte au cœur du pouvoir actuel. Ses débuts ne sont point rassurants dans ce cas et l’actuel conseiller chef de département communication du Président serait même le moindre mal dans ce rôle. Pour répondre à Alain Claude Bilie-by-Nze par exemple, notre intellectuel s’est refusé à l’éventualité de faire un débat d’idées, préférant s’attaquer à la personne de l’ancien Premier Ministre. Sauf que les arguments tournés contre lui concernent aussi les anciens membres influents du pouvoir déchu toujours aux affaires. Les arguments ad hominem, bien qu’ils puissent sembler une stratégie efficace à court terme, posent de nombreuses limites et ont des conséquences néfastes sur le discours politique et la démocratie. Pour favoriser un débat sain et constructif, il est essentiel de promouvoir des arguments basés sur des idées, des politiques et des faits, plutôt que sur des attaques personnelles. Cela contribuera à créer un environnement politique plus positif et inclusif, où les voix des citoyens peuvent être entendues et respectées.
« La vérité est comme le soleil. Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder ». Cette citation de Victor Hugo nous rappelle que, bien que la vérité puisse être dérangeante et parfois difficile à accepter, elle est essentielle à la compréhension du monde et à la progression de la société. Nos intellectuels, en tordant le cou à cette vérité, non seulement trahissent leur propre intégrité intellectuelle, mettent en soupçon leur intégrité morale mais mettent également en péril le bien commun en éloignant les individus des connaissances basées sur des preuves et la science. Il est donc crucial de défendre la vérité et de promouvoir une culture de l’honnêteté intellectuelle, même face à la pression des intérêts personnels ou des idéologies.