Libreville, le 23 septembre 2024 – (Dépêches 241). Le Gabon se trouve à un tournant décisif de son histoire politique depuis l’avènement de la Transition, marquée ces derniers temps par la présentation d’un projet de Constitution qui compte à peine 194 articles. Ce texte, censé établir de nouvelles bases pour l’État, a cependant suscité étonnement et appréhension, avec l’apparition de plus de 800 amendements proposés par les membres des deux chambres du Parlement réunis dans ce qui est qualifié de « Constituante ». Cette situation soulève des interrogations cruciales : s’agit-il d’un camouflet à l’égard de l’initiative gouvernementale ou d’un désaveu manifeste des parlementaires pourtant nommés par l’Exécutif face à un projet constitutionnel perçu comme non conforme aux aspirations du peuple voire dangereux pour l’avenir du pays ?
La Constitution est le socle de toute démocratie, garantissant les droits et les libertés des citoyens. Au Gabon comme partout ailleurs, elle devrait émerger d’un processus transparent et consensuel, intégrant les différentes voix de la société. Toutefois, le projet de Constitution gabonais semble avoir été élaboré sur commande expresse, sans laisser la moindre place aux débats contradictoires et sans écouter des voix dissonantes des parties prenantes. L’avalanche de 800 amendements, dans le cadre d’une assemblée qualifiée de « Constituante », indique une profonde insatisfaction parmi les parlementaires. Cela soulève la question de la légitimité du texte initial : si un projet de Constitution aussi succinct soulève autant de controverses, peut-on réellement lui accorder un crédit ?
Un projet contesté au cœur des institutions et une prétendue Constituante remise en question ?
La démarche actuelle, qui a réuni deux chambres du Parlement dans un cadre censé être constitutif, apparaît davantage comme un simulacre de débat démocratique. Les parlementaires, en déposant un nombre si élevé d’amendements, signalent leur désenchantement face à un processus qu’ils jugent peu représentatif et opaque. Ce phénomène pourrait être interprété comme un désaveu de la part des parlementaires, qui semblent se distancier des décisions prises au sommet de l’Etat. Une assemblée qui ne représente pas authentiquement les intérêts du Peuple ne peut prétendre à la légitimité d’une Constituante. Cet éloignement entre les supposés représentants du Peuple et les représentants de l’Exécutif est symptomatique d’un dysfonctionnement politique.
Un camouflet pour le pouvoir en place ?
Du point de vue du Gouvernement, cette situation peut être perçue comme un camouflet retentissant. En effet, l’énormité du nombre d’amendements remet en cause la crédibilité des autorités qui ont porté ce projet. Un texte constitutionnel est censé incarner le consensus et l’unité nationale ; or le projet actuel semble avoir divisé davantage qu’il n’a rassemblé. Ce rejet implicite illustre une perte de confiance envers un Exécutif qui, face à une telle avalanche de critiques, doit se questionner sur sa capacité à fédérer et à représenter les intérêts de la nation.
Vers une véritable révision du processus constitutionnel ?
La situation actuelle au Gabon appelle à une réévaluation profonde du texte actuel, au risque de provoquer une profonde fracture au sein de la société gabonaise. Les 800 amendements devraient être considérés comme une opportunité d’ouverture, d’écoute et de concertation supplémentaire, plutôt qu’un simple rejet du texte proposé. Il est impératif d’ouvrir un espace d’échanges constructifs où toutes les parties prenantes puissent s’exprimer afin de bâtir un projet constitutionnel véritablement inclusif et représentatif.
En somme, les plus de 800 amendements sur un projet de Constitution de 194 articles au Gabon soulèvent des questions fondamentales sur la légitimité et la crédibilité d’un processus constitutionnel perçu comme une mascarade politique. Il appartient désormais aux acteurs politiques de transformer cette crise en une opportunité, en engageant des consultations et des échanges authentiques et en rétablissant la confiance entre les institutions et le peuple. La constitution n’est pas qu’un document juridique, elle est le reflet de l’aspiration collective d’une Nation, et il est temps de l’ériger sur des bases solides et consensuelles pour l’avenir du Gabon et de nos enfants.