
Libreville, le 1er mai 2025 – (Dépêches 241). L’affaire Hervé Patrick Opiangah semble être, à n’en point douter, une véritable épine dans le flanc de la justice gabonaise, au point où, malgré les pressions qui s’exercent sur elle, celle-ci reste inexplicablement atone. C’est le sens de la récente interview des avocats français d’Hervé Patrick Opiangah, l’homme d’affaires gabonais toujours en exil, Maîtres Marc et Julien Bensimhon du cabinet éponyme, qui affirment avoir fourni à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) suffisamment de preuves accablantes pouvant aboutir à la toute première condamnation du Gabon par une juridiction internationale. Étrangement, le Ministre de la Justice, Paul-Marie Gondjout, autrefois considéré comme un fervent défenseur des droits humains sous le magistère d’Ali Bongo Ondimba, s’est depuis lors enfermé dans un silence assourdissant, frôlant parfois la complicité ou la culpabilité. Une attitude préoccupante, qui pourrait entacher durablement la crédibilité d’une institution judiciaire déjà fragilisée, si la CADHP venait à prononcer cette condamnation contre le Gabon.
Dans un véritable État de droit respectueux des libertés fondamentales de ses citoyens, la sortie médiatique des avocats d’Hervé Patrick Opiangah, dénonçant l’usage disproportionné de la force et des violations graves des droits humains à l’encontre de leur client, aurait dû susciter une réaction immédiate du Ministère de la Justice. À tout le moins, une prise de parole circonstanciée du ministre Paul-Marie Gondjout aurait été attendue afin de défendre l’institution dont il a la charge, et ainsi rassurer l’opinion nationale et internationale sur sa conformité aux principes du droit international.
Hélas, le ministre semble se complaire dans un mutisme révoltant, qui affaiblit non seulement l’image de la justice gabonaise, mais participe également à la dilution de la confiance des citoyens envers l’institution judiciaire de leur pays. Un silence d’autant plus incompatible avec la Cinquième République voulue par le Président nouvellement élu, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui ambitionne de faire émerger une démocratie véritable, incarnée par une justice libre, indépendante et impartiale, traitant tous les citoyens de manière équitable.
Bruno Mve Obiang, un maître des poursuites emprisonné dans son parjure ?
Dans la même veine, le Procureur de la République Bruno Mve Obiang, le maître des poursuites, adopte lui aussi une attitude de repli, marquée par une omerta encore plus alarmante. Une posture d’autant plus incompréhensible que ce même procureur a été à l’origine des poursuites engagées contre le capitaine d’industrie HPO, sur la base d’une plainte inexistante. Car, il est aujourd’hui établi que cette plainte, censée justifier la procédure judiciaire contre M. Opiangah, n’a jamais existé au moment du déclenchement des poursuites contre le natif de Mounana.
Dès lors, comment expliquer l’absence de toute communication officielle, malgré la saisine de la CADHP par le cabinet international Bensimhon ? Ne serait-il pas dans l’intérêt de la justice gabonaise de se défendre et de rassurer quant à sa capacité à dire le droit ? Rien n’y fait. Ni le Ministre de la Justice, pourtant garant de la probité de l’appareil judiciaire, ni le Procureur, pourtant acteur clé de cette procédure, ne semblent enclins à sortir de leur silence. Cette inertie pourrait entraîner une condamnation historique du Gabon pour violation des droits de l’homme par une juridiction internationale.

Paul Marie Gondjout, le silence, la résignation et l’aveu de culpabilité ?
Pour beaucoup, il s’agirait là d’un scandale retentissant, remettant en cause la parole du Gouvernement, qui affirme pourtant œuvrer pour le respect des droits humains. Ce silence, analysé dans le contexte d’un dossier aussi sensible, pourrait être perçu comme une manœuvre politique visant à nuire à Hervé Patrick Opiangah, voire à affaiblir son empire économique bâti sur plusieurs années de sacrifices, notamment sa Holding HPO & Associés, inaugurée il y a quelques mois.
En réalité, ce mutisme pourrait être saisi non seulement comme un aveu implicite de culpabilité de la part de l’institution judiciaire gabonaise, mais aussi comme un signal inquiétant venant contredire les discours rassurants des autorités de la Transition, qui peinent à convaincre de la sincérité de leur engagement démocratique. Cela pourrait laisser penser que les commanditaires de cette affaire seraient prêts à sacrifier la réputation du pays sur l’autel de règlements de comptes personnels et politiques quitte à voir le Gabon être condamné pour la première fois de son histoire, plutôt que de résoudre ce contentieux sur la base du droit.
Une condamnation inévitable et une tâche indélébile pour la Démocratie gabonaise ?
Une telle attitude traduit, chez de nombreux observateurs politiques gabonais, une incompétence à peine dissimulée, et tend à démontrer que les poursuites engagées contre M. Opiangah pourraient relever moins d’un véritable fondement juridique que d’une machination politique orchestrée sous couvert de la justice. Cette dérive alimente une perception de plus en plus répandue dans l’opinion publique: celle d’une justice instrumentalisée, qui ne rend plus ses décisions au nom du peuple gabonais, mais qui serait au service d’intérêts occultes. Dès lors, les principes de liberté, d’indépendance, d’impartialité et d’autonomie de la justice gabonaise, pourtant inscrits dans la nouvelle Constitution, apparaissent comme de simples proclamations sans effet, des vœux pieux ou des slogans creux.
Il convient donc de s’interroger sur le sens profond de l’omerta entourant l’affaire Hervé Patrick Opiangah: le Ministre de la Justice se sentirait-il coupable d’avoir laissé son département initier une procédure sans fondement solide, au point d’ériger le silence en seule ligne de défense ? Le Procureur de la République, dont les motivations semblent peu judiciaires, aurait-il agi sous influence dans cette affaire ? Le Ministre Gondjout prendrait-il des ordres ailleurs qui pourraient justifier son mutisme jusqu’à présent ? Quoi qu’il en soit, osons espérer que ce silence assourdissant ne préfigure pas une nouvelle faillite judiciaire, mais qu’il annonce plutôt un sursaut d’impartialité. Car, à défaut, cette affaire pourrait durablement ternir l’image de la justice gabonaise et marquer d’une tâche indélébile l’histoire de notre jeune démocratie.