Projet Constitutionnel: avec le principe de la « Gabonité » Oligui Nguema ne va-t-il pas profondément diviser la société gabonaise ?

Le Principe de la « Gabonité » que consacre l’article 53 du projet Constitutionnel pourrait avoir de graves conséquences sur le vivre ensemble des Gabonais ©MontageDépêches

Libreville, le 26 septembre 2024 – (Dépêches 241). Longtemps attendu par les gabonaises et les gabonais, l’avant projet de la future Constitution du pays a été officiellement remis au Président de la Transition le samedi 31 août dernier. Soumis à l’Assemblée Constituante dernièrement pour examen, ledit projet a suscité plusieurs débats, conduisant ainsi les personnalités consultées à émettre de sérieuses réserves quant à certaines dispositions. Ce fut le cas pour le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Gabon, Me Obame Sima qui a dit son inquiétude face au nouveau concept de « Gabonité » inscrit dans ce projet constitutionnel, qui pourrait profondément diviser la société gabonaise.

Le 14 septembre dernier, lors de la réunion de l’Assemblée Constituante, Me Raymond Obame Sima était invité à formuler ses réserves et suggestions quant au projet de la future Constitution gabonaise. Le moins que l’on puisse dire c’est que le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Gabon n’a pas caché son inquiétude face à ce concept de « Gabonité » naissant, inscrit dans ledit projet. Inspirée des résolutions du dernier Dialogue National Inclusif d’Angondjé, cette disposition stipule que pour accéder à certaines hautes fonctions, principalement la fonction présidentielle, il faut être gabonais de père et de mère, tous deux eux aussi gabonais.

Un projet constitutionnel qui porte en lui les germes de la division ?

Pour Me Raymond Obame Sima comme pour de nombreux gabonais, cette disposition serait d’une dangerosité avérée, tant elle pourrait profondément cliver la société gabonaise qui est par essence multi culturelle, métissée. Pour rappel, des entreprises similaires ont été expérimentées sous d’autres cieux, où les politiques ont tenté d’instrumentaliser la question de la citoyenneté, en voulant instituer des citoyens d’un même État, avec des droits différenciés. Mais l’histoire retient encore à ce jour le sombre cortège des conséquences funestes engendrées par de telles initiatives.

Dernièrement, c’est le Président de la République Ivoirienne, Alassane Dramane Ouattara, fort de son expérience, qui a dépêché un émissaire au Gabon, à l’effet d’apporter un message de dissuasion au Président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui ne cache plus ses ambitions présidentielles, de faire appliquer une telle disposition dans la future Constitution du pays. Car, un concept similaire, celui de « l’ivoirité », a conduit son pays à vivre les pages les plus sombres de son histoire récente avec en prime une guerre meurtrière et sanglante entre deux clans qui prend racine dans la création d’une sous-catégorie d’ivoirien. Le même schéma vers lequel semble se diriger le Général Président avec la rédaction de l’article 53 d’une Constitution qu’on dit taillée pour sa personne. 

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De la nécessité d’entendre raison et de transcender les petits calculs politiques 

En cette période de Transition marquée par l’impérieuse nécessité de reconstruire un Gabon nouveau, il n’est d’aucune grandeur de faire triompher des lois qui pourraient diviser plutôt que rassembler les Gabonais. Inscrire dans le marbre de la Constitution la division, les différences entre citoyens gabonais, serait pour le Gabon une manière d’entrer en contradiction ouverte avec ses engagements internationaux.

Pour rappel, le Gabon a signé et ratifié sans réserves la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Vouloir donc établir des citoyens gabonais aux droits différenciés serait une violation flagrante de ces deux traités. Le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats n’a d’ailleurs pas manqué de le rappeler durant cette réunion. « Le Gabon, en tant qu’État moniste, ne peut se permettre de violer ses engagements internationaux », avait déclaré Me Raymond Obame Sima. 

Une invite faite aux nouvelles autorités du pays, en tête desquelles le Président de la Transition, Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, de ne pas céder à la tentation de bâtir une Constitution qui pourrait consacrer la division des enfants du Gabon, plutôt que l’unité tant recherchée par ces temps de reconstruction du pays. Toute attitude qui contreviendrait de façon flagrante au projet de restauration des Institutions annoncé au départ mais qui un an après, à l’épreuve des faits, est perçu par beaucoup comme une veste et grossière fumisterie. 

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