CapelloGate: Quid du respect du principe d’égalité devant la loi ?

Dans cette affaire de pédocriminalité, le loi doit être la même pour tous ©DR

Libreville le 27 avril 2022 – (Dépêches 241). Alors qu’il est considéré comme témoin clé dans l’affaire Pierre Alain Mounguengui auditionné au B2 depuis des jours, l’ancien international Parfait Ndong dans une interview réalisée chez nos confrère de GMT a indiqué qu’il avait alerté le ministre des Sports sur ces crimes plusieurs mois avant que ce scandale ne soit révélé par Romin Molina. Une alerte manifestement ignorée par la tutelle qui place Franck Nguema dans une configuration similaire à celle de Pierre Alain Mounguengui, lequel est dans la tourmente pour sa passivité supposée dans l’affaire Capello. Sauf que qu’étrangement, l’un est au B2 alors que ne place sur l’autre aucune once d’inquiétude. 

Dans cette affaire de Pédocriminalité dont l’un des rideaux s’est rouvert étrangement, après l’élection à la présidence de la Fegafoot, par l’audition de son président au B2, plus les jours passent, plus le témoin appelé pour confronter Pierre Alain Mounguengui, se dit et se dédit. Plus le temps avance, plus les langues se délient et révèlent les manquements dans ce scandale, des plus hautes personnalités du sport gabonais en ce qu’ils doivent être actuellement, à l’instar de PAM dans le viseur de la justice. 

Dans une interview donnée chez nos confrères de Gabon Media Time, Parfait Ndong ancien international Gabonais s’est livré sur la question de la pédophilie dans le football gabonais en indiquant qu’il en avait connaisance. « Ces histoires de pédophilie, j’ai assisté à ça. J’y étais », a-t-il déclaré. S’il a déclaré avoir approché son président de ligue, l’ancien latéral droit d’Azingo a surtout révélé qu’il avait saisi à plusieurs reprises le ministre des Sports Franck Nguema et que ce dernier avait botté en touche. « J’ai fait trois (3) demandes d’audience au ministre des sports Franck Nguema. C’est à la 3e demande qu’il m’envoie chez son responsable des sports », a-t-il ajouté. 

DE L’INACTION MANIFESTE DU MINISTÈRE DE TUTELLE ? 

Mieux, Parfait Ndong, le témoin qui au B2, a été opposé à Pierre Alain Mounguengui pour déterminer de sa supposée complicité dans les crimes commis par Capello and Cie, a précisé que la rencontre avec le responsable des sports s’est avérée infructueuse. « Le responsable des Sports m’a promis après le match du Gabon contre le Bénin au Portugal qu’il me recevait à son retour. Rien n’a été fait à ce jour ». 

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Une réalité qui selon Parfait Ndong ne peut pas exempter Franck Nguema de sa responsabilité dans cette affaire de pédocriminalité en même temps qu’il ne peut se prévaloir de n’avoir jamais été informé pour se prémunir de toute complicité passive. « Aujourd’hui que le ministre des sports vienne dire qu’il n’est pas informé de la pédocriminalité dans le football, il y’a quelque chose qui ne va pas », a-t-il conclu.  

Dans une interview donnée à Africa 24 en janvier dernier, l’actuel président de la Fédération gabonaise de Football avait indiqué avoir pris certaines dispositions dès 2018 nonobstant l’absence des preuves mais sur la seule base des révélations faites par un ancien international. « En 2018 à la suite des révélations d’un ancien footballeur (Nzigou Shiva Star), nous avons décidé à la Fédération de mettre en place une batterie de mesures pour protéger les joueurs. Mais nous étions à l’époque confrontés à une absence de textes et de juridictions sur lesquels nous appuyer pour prendre les grandes décisions », a-t-il indiqué. 

MOUNGUENGUI À L’ÉPREUVE DES ARTICLES 48 et 170 DU CODE PÉNAL 

Pour combler cette anomalie, PAM a indiqué sur les antennes de Africa24 avoir mis en place dès 2018 « un règlement, le code d’éthique, le code disciplinaire et divers organes juridictionnelles » afin que les acteurs du football disposent des juridictions vers lesquelles se tourner, à chaque fois qu’un cas de ce genre était révélé. Mieux, après les révélations de Romain Molina, Pierre Alain Mounguengui en sus d’avoir reçu à son bureau et collaboré avec le Colonel en charge de l’enquête qui a abouti à l’interpellation de Capello, a fait publier, dans l’Union, un appel à témoin aux fins d’avoir des éléments de faits et de preuves pour poursuivre pénalement les autres coupables. 

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En application des dispositions légales issues de la Loi n°006/2020 du 30 juin 2020 portant modification de la loi n°042/2018 du 05 juillet 2019 portant Code Pénal de la République Gabonaise, l’article 48 tiré du TITRE VIII, de la COMPLICITÉ nous enseigne que « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation ». 

En prenant appuie sur l’article 170 de la loi précitée en son TITRE XI : DES ENTRAVES À L’ACTION DE LA JUSTICE, le législateur nous apprend que « Quiconque, ayant connaissance d’un crime déjà tenté ou consommé, n’a pas, alors qu’il était encore possible d’en prévenir ou limiter les effets, averti aussitôt les autorités administratives ou judiciaires, est puni d’un emprisonnement de trois ans ». 

Dans les bons usages de la pratique du droit, pour que la consommation d’une infraction soit effective, cette dernière suppose impérativement la réunion des trois éléments constitutifs d’une infraction que sont l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral. 

DE L’INEXISTENCE DES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS D’UNE INFRACTION PÉNALE 

L’élément légal se caractérisant par les dispositions juridiques ( Art 48 et 170 ) du Code pénal, il convient désormais d’en définir l’élément matériel et l’élément moral des deux infractions. S’agissant de la complicité, dans le contexte, l’élément matériel se caractérise par le fait délibérément , d’aider et d’assister l’auteur de la pédophilie. L’élément moral est le fait d’apporter cette aide et cette assistance en ayant la conscience et la connaissance que la pédophilie est un acte abjecte reprouvé par la société. 

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En l’espèce, Pierre Alain Mounguengui n’a apporté aucune assistance et aucune aide aux auteurs des actes de pédophilie. Par conséquent, il ne peut être selon la loi considéré comme un complice car, les trois éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réunis. 

S’agissant de l’entrave à l’action de la justice, l’élément matériel se donne à lire par l’inaction et l’absence effective d’acte visant à prévenir ou à limiter les actes de pédophilie dès sa connaissance. L’élément moral pour sa part s’observe par le refus d’agir ou de poser des actes de nature à freiner la pédophilie en dépit de la conscience et de la connaissance du caractère prohibée de la pratique par la société. 

Dans le cas d’espèce, Pierre Alain Mounguengui par le biais notamment de son interview à Africa 24 a indiqué dès 2018 avoir pris des dispositions pour mettre un frein à ces pratiques dans le football. Mieux, ce dernier a collaboré avec la justice gabonaise pour mettre hors d’état de nuire Patrick Assoumou Eyi aujourd’hui à « Sans famille ». Ainsi donc, au regard de la démonstration susmentionnée, on ne peut donc objectivement pas tenir pour responsable l’actuel président de la Fegafoot car il ne tombe sous le cou d’aucune des deux infractions précitées en ce qu’elles sont dénuées des éléments constitutifs d’une infraction. 

Dès lors, aussi bien que l’audition de PAM au B2 ne se justifie plus, mais au nom du principe d’égalité devant la loi, les autres acteurs informés de ces pratiques qui ont brillé par leur apathie et leur inaction, doivent être entendus et auditionnés pour répondre de leurs actes. C’est notamment le cas du ministre de Sport Franck Nguéma. 

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Pierre Alain Mounguengui séjourne depuis le 21 avril à la direction nationale de la contre ingérence et de la sécurité militaire pour des auditions aux allures de garde à vue et dont les chefs d’accusation de complicité et accessoirement d’entrave à l’action de la justice sont brandis par le B2 pour justifier ce traitement. Pourtant il a été démontré que le patron du football gabonais a pris des dispositions, à son niveau, pour circonscrire ces crimes tout en collaborant pour faire arrêter les auteurs. 

DE LA NÉCESSITÉ DE FAIRE RESPECTER ET RAYONNER LE PRINCIPE D’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI : LE CAS FRANCK NGUEMA 

Des actions concrètes qui ne l’exposent pas aux sanctions des dispositions 48 et 170 du code pénal mais qui ne sont manifestement pas suffisantes pour le B2 qui a par ailleurs prolongé son audition . Sauf que curieusement, ceux n’ayant posé aucun acte alors qu’ils en ont été informés, ne sont ni entendus, ni inquiétés, ni interpellés encore moins auditionnés. 

Aux dires de Parfait Ndong et à son initiative, le ministre des Sports a été saisi plusieurs fois sur cette question de pédocriminalité mais n’a  jamais daigné y accorder de l’importance vu que les sollicitations faites depuis 2020 sont restées lettre morte. Une attitude qui, si elle est avérée, consomment amplement les infractions pénales punies par les articles 48 et 170  du Code Pénal. 

Aussi, pourquoi Franck Nguema n’est-il pas entendu pour s’expliquer sur sa passivité ?  Pourquoi n’a-t-il pas été convoqué à son tour au B2 alors qu’y réside une homme qui a son niveau s’est pourtant battu ? Franck Nguema est-il au-dessus de la justice ? Est-il exempté par son statut de justice ? La justice est-elle impartiale dans cette affaire ? 

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Il convient de rappeler pour ceux qui l’auront peut-être omis, que le législateur et la Cour Constitutionnelle du Gabon sont soumis au respect du principe d’égalité devant la loi, consacré par l’article 2 de la Constitution gabonaise. Un principe phare de notre ordonnancement juridique vu qu’il appartient au bloc de constitutionnalité gabonais, a valeur constitutionnelle confirmée par la décision n°1/CC du 28 février 1992. 

A ce principe doctement consacré vient se greffer celui de l’égalité des citoyens devant la justice, proclamée par l’article 14 du « Pacte international relatif aux droits civils et politiques », que le Gabon a ratifié le 21 janvier 1963. Le principe d’égalité implique à travers l’ article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « la loi doit être la même pour tous » en ce que toutes les personnes placées dans une situation identique doivent être régies par les mêmes règles. Dit prosaïquement, les personnes dans la même situation doivent être traitées de manière identique 

En cette occurrence, l’intérêt général de la bonne administration de la justice supposerait que tous les justiciables soient soumis aux mêmes procédures devant les lois gabonaises. Car il s’agit de la même juridiction, des mêmes juges et du même service. Ainsi donc, si l’objectif poursuivi est la bonne administration de la justice et la recherche de la vérité dans cette affaire de pédocriminalité, Franck Nguema, les responsables des clubs et les anciens présidents de la Fédération gabonaise de football doivent tous être entendus et auditionnés au B2, pour établir de façon objective les responsabilités de chacun. 

Cette démarche est impérieusement nécessaire au risque de faire prospérer, l’idée que dans cette affaire, il ne s’agit de loi, de droit et de justice mais de personnes. Ce qui serait une violation flagrante de la Loi Fondamentale qui établit l’égalité entre tous les citoyens. 

L’adage « Qui peut et n’empêche, pêche » est révélateur de la nécessité de ce que l’obligation est faite à toute personne, sans qu’il soit nécessaire qu’elle soit juridiquement liée ou tenue à l’égard de la personne en danger, d’agir. Franck Nguema par son inaction a péché, c’est pourquoi si la justice est juste , indépendante, libre et impartiale, ce dernier ainsi que les autres responsables du football gabonais doivent entendu au même titre que Pierre Alain Mounguengui, au nom du principe d’égalité des justiciables et pour éviter que le vice ne l’emporte pas sur la vertu.

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