Libreville, le 10 juin 2024 – (Dépêches 241). Ouvert le 24 mai dernier, le procès des BLA-Boys, du nom des anciens commis de l’Etat tombés en disgrâce après le déclenchement de l’Opération Scorpion fin 2019, a tenu en haleine une partie de l’opinion pendant un peu plus de 2 semaines. Au-delà des différents verdicts contestables rendus ça et là, qui contre Brice Laccruche Alihanga, qui contre Tony Ondo Mba ou encore Patrichi Tanasa, reste une équation à résoudre. Celle de ces bonus pour lesquels certains sont allés en prison pendant que d’autres, sans coup férir, sont en liberté et toujours aux affaires au sein du nouveau pouvoir.
Au lendemain de l’ouverture des audiences à la Cour Criminelle Spéciale dans le cadre de l’affaire susmentionnée, s’est présenté à la barre Tony Ondo, ancien Ministre de l’Energie et des Ressources Hydrauliques. Pour ce jour, l’audience portait essentiellement sur une affaire des primes en rapport avec la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog).
Durant cette audience, il était question de faire la lumière et de situer les responsabilités de chacun sur des détournements présumés émanant des fonds provenant d’un redressement fiscal infligé à la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) en 2018.Il ressort des informations que la filiale du groupe Eramet avait payé 155 milliards de Fcfa pour ledit redressement. Brice Laccruche Alihanga, alors tout puissant Directeur de Cabinet du Président déchu Ali Bongo, se serait attribué avec la bénédiction de ce dernier, la coquette somme de 5 milliards de Fcfa.
Dans la même veine, Yann Koubdje ancien Directeur Général de la Comptabilité Publique et du Trésor, ou encore Noureddine Bongo Valentin, fils du Président auraient eux aussi reçu ces primes très onéreuses. D’autres ministres qui sont intervenus dans le dossier auraient aussi reçu des sommes d’argent via la Société équatoriale des mines (SEM) qui gérait les participations de l’Etat à la Comilog.
Des bonus de la discorde preuve de l’incohérence des condamnations de BLA and Cie ?
A la barre, Brice Laccruche Alihanga qui a astucieusement battu en brèche toutes ces accusations a clairement indiqué que les bonus querellés avaient été distribués par Ali Bongo pour récompenser ses collaborateurs du travail abattu pour le redressement fiscal. « Le bonus qui avait été octroyé pour récompenser chaque personne impliquée dans les négociations dudit redressement fiscal provenait du compte d’Ali Bongo », a-t-il fait savoir. Le numéro un Gabonais de l’époque aurait de son propre chef gratifié ses collaborateurs pour l’aboutissement heureux de l’affaire après d’âpres négociations.
Ainsi posé, une grossière incongruité émerge. Si des personnalités comme Tony Ondo Mba, ou encore Brice Laccruche Alihanga sont entre autres allées en prison pour ces primes, pourquoi les autres personnalités telles que Yann Koubdje ou Noureddine Bongo Valentin sont restées en liberté ? Ces primes étaient-elles illicites pour les uns et licites pour les autres ? Qu’est ce qui peut expliquer ce deux poids deux mesures ? Comment pour des mêmes faits certains sont emprisonnés quand d’autres jouissent allègrement de leur liberté ?
Ces questions en bon droit se posent. Elles se posent avec acuité tout autant qu’elles mettent la justice devant l’infâme réalité de son procès non usurpé en instrumentalisation, bien que drapée des oripeaux de la Transition et de sa réforme des Institutions. Une justice mi figue mi raisin, deux poids deux mesure mise en relief par le refus de Yann Koubdje et Fabrice Andjoua Bongo Ondimba de comparaître. Des comparutions qui auraient fait jaillir la vérité de l’audience, mais étrangement cautionnée par la Cour confortant par conséquent un verdict sur lequel pèsent plusieurs zones d’ombres.